Philippe Richert: "ce n’est pas parce que je travaille avec la gauche que je suis socialiste"

France - 04/04/2016 23h00 - mis à jour le 04/04/2016 23h26
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Philippe Richert: "ce n’est pas parce que je travaille avec la gauche que je suis socialiste"
Politique
Philippe Richert, président (Les Républicains) de la région Grand-Est (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine) (PHOTO: JL Stadler)

INTERVIEW. Plus de trois mois après son élection à la tête de l’Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine rebaptisée Grand-Est ce lundi, son président Philippe Richert livre son premier bilan et ses ambitions dans une interview accordée à LORACTU.fr. Dans une région tentée par le FN, son président doit désormais rassembler…

LORACTU.fr. Après trois mois d’action à la tête d’une région fusionnée, grande comme la Belgique et peuplée de 5,5 millions d’habitants, où en êtes-vous ?

Philippe Richert. La première obligation était de mettre en place la nouvelle gouvernance c’est-à-dire d’organiser les vice-présidences, les commissions permanentes. Il faut faire tourner la maison. Lors de la dernière, nous avions 2 500 pages de dossiers à traiter ! Les dossiers s’accumulent et se multiplient. Ensuite, nous avons le défi de son organisation administrative pour éviter la rupture dans les projets et les dossiers. La nouvelle région tourne malgré la complexité d’une fusion de trois structures. Nous avons trois maisons de région à Strasbourg, Metz et Châlons sans qu’il y ait de mutations forcées de fonctionnaires comme je m’y étais engagé.

La nouvelle région a aussi dû s’organiser avec ses grands partenaires : l’agriculture, l’économie et l’industrie, les universités, la culture, le sport, les grandes agglomérations, les 10 départements et bien sûr l’Etat. Le territoire est immense, il faut beaucoup de temps et le nombre d’interlocuteurs est très important. Nous préparons aussi les nouvelles compétences qui nous seront transférées comme les transports scolaires dès 2017. Il faut aussi coordonner la politique des trois ex-régions pour n’appliquer qu’une seule politique à terme.

Le FN compose majoritairement votre opposition dans l’hémicycle régional, devant la gauche. On se souvient d’une campagne des régionales violente. Comment travaillez-vous avec votre principal opposant, Florian Philippot ?

Tout dépend du comportement du Front national. M. Philippot avait indiqué vouloir travailler avec la majorité dans l’intérêt général. Or, je constate que le FN dans les commissions de travail ne vote aucun dossier. Ils se mettent à part. Ils sont là mais ils ne s’expriment pas lors des séances de travail. Pour eux, il faudrait aussi regarder de plus près comment fonctionne une collectivité locale face aux postures qu’ils adoptent plutôt que le fond des dossiers. Dans le travail que nous allons mener sur les agglomérations, sur la politique économique, sur la valorisation de la région, nous avons besoin du travail de chacun. On ne peut pas que critiquer ! Nous avons l’obligation de construire des projets politiques dans le sens noble du terme.

La Cour régionale des comptes va prochainement publier un rapport qui s’annonce sévère sur la gestion de la région Lorraine par le PS. Vous avez plutôt épargné votre adversaire Jean-Pierre Masseret pendant la campagne. Comment jugez-vous sa gestion ?

Chaque jour, j’ai l’occasion de me plonger encore plus dans les dossiers de cette nouvelle région et de découvrir certaines spécificités notamment de gestion. Nous avions des méthodes différentes en Alsace, en Lorraine et en Champagne-Ardenne. Le dossier de l’aéroport de Metz-Nancy par exemple, j’ai découvert qu’il y avait un déficit – qui était connu – mais au-delà des versements de la région pour combler les déficits et contribuer à son rayonnement, il y avait aussi des participations via le budget de la communication, du tourisme… Cela ne me semble pas une bonne chose. Les sommes dont nous parlions au dut est loin  du total. Pareil au niveau de Chambley. Nous n’avons pas l’intention d’arrêter le Lorraine Mondial Air Ballons par exemple, on va continuer à le soutenir mais quand je regarde toutes les sommes qui vont vers ce site, je me dis qu’il faut revoir son fonctionnement. Un million d’euros est consacré au fonctionnement de ce site payé entièrement par la région. Il faut ajouter le Lorraine Mondial Air Ballons, plus les budgets de la communication…

Mais considérez-vous que la Lorraine a été mal gérée ?

Je ne suis pas dans une posture pour critiquer. J’attends les avis de la Chambre régionale même si parfois des choses qui ne dépendent pas toujours de l’exécutif. J’en ai l’expérience. Mais quand je regarde la gestion de certains projets, on n’a pas donne assez de transparence sur leur financement. La région intervenait par bien trop de canaux. En définitive, la vision que le conseil régional ou le contribuable pouvait avoir était tronquée.

- Le plan de formation des chômeurs "difficile" à mettre en place -

La région a signé un accord avec le gouvernement pour former 25 000 chômeurs de plus d’ici 2017. François Hollande ambitionne que les régions en France en forment 500 000. Cet objectif semble peu réaliste…

Nous avons eu en 2015 à la fois l’Etat à travers Pôle Emploi et les régions individuellement ont formé 500 000 chômeurs pour un retour à l’emploi. Là l’objectif c’est d’en faire 500 000 de plus, donc de doubler. La dernière fois qu’il y a eu un objectif ambitieux c’était il y a deux ans, mais c’était 100 000 en plus. Là on voit qu’on est sur un enjeu très important. C’est très difficile. La seule méthode pour réussir c’est de travailler tous ensemble. On peut déjà compter tout de suite sur Pôle Emploi. Avant même qu’il y ait cet accord avec les régions, il y avait déjà des appels d’offre pour en former plus… Pôle Emploi n’avait pas toutes les garanties pour le faire d’où le rôle de la région. Nous pouvons réaliser cet objectif mais à condition : que les régions soient les seuls organisateurs de cette politique de formation. L’Etat s’est engagé à verser 75 millions d’euros pour l’Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine pour organiser ces formations.

(PHOTO: Philippe Schilde - Agence Info)

Le gouvernement a-t-il enfin pris la mesure de l’importance du rôle des nouvelles régions dont la création est l’une de ses réformes phares ? Vous avez d’ailleurs pris la présidence de l’Assemblée des Régions de France…

Mardi, Matignon et l’ARF (Assemblée des Régions de France) a signé un accord pour une nouvelle organisation des relations entre l’Etat et les régions. Cet accord concerne l’enseignement, l’apprentissage, l’emploi et l’économie. Ce statut a changé car les 12 régions ont un poids politique indiscutable. De nouvelles compétences vont être transférées aux régions notamment sur l’emploi et les transports scolaires/ interurbains. C’est le gouvernement qui a souhaité avoir ces régions, il faut maintenant aller au bout de la logique et nous donner des moyens… Il y a aussi un volet qui n’est pas encore bouclé qui concerne de nouveaux leviers fiscaux pour que les régions puissent faire face à ces nouvelles responsabilités. Une question tranchée pour la nouvelle loi de finances 2017 d’ici la fin de l’année.

En tant que président des régions de France et même de la région Grand-Est, vous ouvrez régulièrement votre porte au gouvernement. C’est moins le cas de certains de vos collègues de droite notamment Laurent Wauquiez (Rhône-Alpes-Auvergne). Vous l’appelez à une meilleure coopération ?

Chacun fait ce qu’il veut dans sa région. Mais quand nous avons eu la réunion à Matignon sur le plan formation des chômeurs, il y avait le vice-président de la région Rhône-Alpes-Auvergne. Le président de ces nouvelles régions ne peut pas être partout. Jeudi, quand Angela Merkel et François Hollande viennent à Metz pour le sommet franco-allemand, il n’est pas assuré que je sois présent, ca sera peut-être l’un de mes vice-président. Ce n’est pas parce que je travaille avec la gauche que je suis devenu socialiste.

- "Je ne vois pas comment on peut faire la gare de Vandières" -

La SNCF supprime des TER dans certaines régions faute de conducteurs, c’est le cas dans le Grand-Est. Que va faire la région qui gère les transports ferroviaires ?

La SNCF a été complètement lamentable sur ce dossier parce qu’elle l’a fait sans prévenir et n’a pas pu s’organiser pour éviter cette situation. C’est juste incroyable et inacceptable. Après mon courrier à Guillaume Pépy, président de la SNCF où j’exprimais ma colère, la SNCF a finalement décidé de faire circuler plus de trains que prévu. On n’est encore à 30% de trains supprimés par rapport à ce qui était prévu. Il s’est excusé de la situation mais il ne suffit pas d’un coup de téléphone pour régler les choses. La région ne versera pas les indemnités relatives à cet incident. C’est pareil pour les jours de grève ! Nous ne finançons pas la SNCF les jours de grève ! Nous allons défalquer ce que nous devons à la SNCF tous les événements qui sont inadmissibles.  

Si on a bien compris votre position, vous enterrez définitivement Vandières ? Le président PS de Meurthe-et-Moselle fait pression pour que cette gare puisse enfin sortir de terre…

Soyons clair, c’est d’abord un dossier de l’Etat ! Il y a un certain nombre de parlementaires socialistes qui demandent à la région de faire Vandières. Mais qu’ils n’oublient pas… c’est à l’Etat et à la SNCF que reviennent la responsabilité de faire cette gare. Et c’est plutôt les socialistes qui dirigent le pays… non ? Un référendum a été conduit en Lorraine, il se trouve encore une fois que c’est un responsable de gauche qui en est à l’origine, Jean-Pierre Masseret. Il faut de temps en temps qu’ils reviennent sur terre sans dire n’importe quoi. Il y a eu une consultation dont le résultat est négatif. C’est eux qui l’ont fait, les choses sont faites… Je ne vois pas comment aujourd’hui on peut faire Vandières. Ce que je souhaite c’est que la SNCF clarifie sa position si un jour ce chantier peut être lancé. Je ne suis ni président de la République, ni de la SNCF !

Quel avenir pour Lorraine Airport désormais géré par la nouvelle région que vous présidez ?

Je peux comprendre qu’il y ait un déficit sur cet aéroport. Il devrait encore exister plusieurs années. Mais il faut prendre les choses en main. Nous ne comptons pas laisser tomber et Lorraine Airport n’a pas vocation à fermer. C’est pour cela que je propose de prendre la présidence de son conseil d’administration pour envoyer un signal fort. La région continue de soutenir cet équipement. Un territoire grand comme la Lorraine a besoin de l’aéroport Metz-Nancy. J’ai rencontré la directrice générale. J’ai pu constater qu’il y avait des difficultés, tant sur le plan du personnel que de son attractivité. Il faut créer davantage d’activités. 2016 sera une année difficile notamment en raison des travaux de la piste, 2017 doit être celle de l’envol de l’activité. La région a déjà mis 1,5 millions d’euros pour le fonctionnement de l’aéroport de Paris-Vatry (Champagne-Ardenne) mais il y a des questions à se poser. Certains jours, ce site n’a même pas d’activité…

- Les primaires des Républicains, "un cinéma désolant" -

(PHOTO: Philippe Schilde - Agence Info)

L’année 2016 va être marquée par la primaire des Républicains. Quel candidat soutenez-vous ? Vous semblez plus proche d’Alain Juppé que de Nicolas Sarkozy ou de Nadine Morano avec qui vous avez eu des tensions…

Je confirme que j’ai eu des tensions avec Nadine Morano ceci étant elle fait son parcours et une stratégie pour la présidentielle. Je n’ai pas encore fait mon choix et quand je vois tout ce cinéma ça me désoler un petit peu. Il faut arrêter. Toutes ces personnes qui font croire qu’elles sont candidates pour devenir président de la République… Il y a Nadine Morano mais je peux en trouver beaucoup d’autres… Ils sont tous dans la stratégie de communication et dans le besoin d’exister ! La politique c’est avec un grand P ! J’ai été très proche de François Fillon même si j’ai regretté ses déclarations de l’été dernier, j’ai des rapports très amicaux avec Bruno Le Maire et Alain Juppé est un grand monsieur qui a uns stature incontestable de chef d’Etat. Je ne veux pas régler des comptes en particulier avec Nicolas Sarkozy. Il a été chef de l’Etat en pleine crise et il a tenu la barre et aujourd’hui avec lui la France serait certainement dans une meilleure situation. Par ailleurs, si les centristes ne participent pas à la primaire, la nation de primaire aura perdu beaucoup de son intérêt. Je continue d’être centriste chez Les Républicains vous savez !  

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