Vers une suppression du délit de blasphème en Alsace-Moselle
Un amendement déposé à l’Assemblée nationale visant à supprimer le délit de blasphème en Alsace et en Moselle a été adopté. Si le projet de loi égalité et citoyenneté est adopté par les parlementaires, le délit de blasphème pourrait être supprimé dans les trois départements concordataires.
L'Observatoire de la laïcité, instance rattachée à Matignon, avait préconisé, dans un avis publié lundi, de faire "évoluer" le droit local spécifique à l'Alsace-Moselle, en abrogeant notamment le délit de blasphème. Parmi ces évolutions, l'instance recommandait que soit abrogé dans le droit local un article hérité du code pénal allemand de 1871, et qui réprime le blasphème. "Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes" est passible de trois ans de prison, stipule ce texte, qui de facto n'a jamais été appliqué depuis le retour de la région à la France, en 1918.
Le 6 janvier 2015, veille de l'attaque sanglante contre Charlie Hebdo, les représentants des cultes "reconnus" en Alsace-Moselle (catholique, protestant et juif) avaient déjà préconisé, lors d'une audition devant l'Observatoire de la laïcité, l'abrogation de ce délit tombé en désuétude. L'Observatoire, qui, au cours des derniers mois, a également auditionné juristes, élus locaux et militants de la laïcité, souligne lui-même que la mesure serait avant tout symbolique: selon certains juristes, cet article du code pénal n'a de toute façon pas force de loi, car il n'a jamais été traduit en français.
Cet amendement adopté le 9 juin dernier indique que "le 11 janvier 2015, c’est pour les défendre que des millions de Français ont manifesté. Au cri de +Nous sommes Charlie+, nos compatriotes ont réaffirmé, plus de 200 ans après la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, leur fierté et leur volonté de vivre dans un pays où la liberté d’expression est garantie, où son corolaire, la liberté d’opinion religieuse, est assuré au même titre, et où, depuis 1881, le délit de blasphème n’existe plus. Toutefois, il subsiste dans notre pays un territoire où blasphémer est punissable de 3 ans de prison ou plus".
L’amendement a été adopté dans le cadre de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Egalité & citoyenneté. Le texte de loi passe en première lecture le 27 juin prochain puis sera ensuite examiné par le Sénat.
- Une loi qui n'était pas appliquée en Alsace-Moselle -
En janvier 2016, le ministère de la Justice avait précisé sa position sur le délit de blasphème en Alsace-Moselle. Le délit de blasphème « ne peut (…) plus être appliqué par les juridictions françaises dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ». La phrase émane du ministère de la justice. Dans une réponse à une question parlementaire, la place Vendôme a précisé, fin décembre 2015, le statut de ce délit qui figure toujours dans le droit alsaco-mosellan révèle le quotidien catholique La Croix dans son édition en ligne. La Chancellerie considère donc qu’on peut se laisse tenter sans risques de poursuites judiciaires au blasphème dans ces trois départements concordataires. Pour le ministère, le texte réprimant le délit de blasphème n’a jamais «été expressément abrogé par le législateur, cet article n’est aujourd’hui plus applicable sur notre territoire» précise-t-il toutefois. Le ministère de la justice répondait à une question posée par le député communiste du Puy de Dôme André Chassaigne qui souhaitait savoir « comment la suppression du délit de blasphème dans le code pénal d’Alsace-Moselle pourrait être mise en œuvre».
En 2013, la Ligue de défense judiciaire des musulmans, outrée par une caricature publiée à Une de Charlie Hebdo, avait invoqué le blasphème pour attaquer l'hebdomadaire satirique devant un tribunal strasbourgeois. Mais la procédure avait été déclarée nulle, pour des raisons de forme. A terme, il reviendrait éventuellement au Parlement de se saisir de ce dossier, pour abroger formellement ce délit, selon l'Institut du droit local.
Quelques jours après les attentats de Charlie, les francs-maçons du Grand Orient de France (GODF) ont demandé "que tout soit mis en œuvre pour que le délit de blasphème, qui existe encore sur le territoire d'Alsace-Moselle, soit supprimé sans délai". Dans le même temps, le sénateur-maire (Les Républicains) de Woippy en Moselle, François Grosdidier, avait déposé une proposition de loi pour que le délit de blasphème soit abrogé.
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