François Hollande en catimini à Florange évite soigneusement ses contestataires
Déstabilisé par des confidences explosives à des journalistes, François Hollande est arrivé lundi en toute discrétion sur le site des hauts fourneaux d'ArcelorMittal à Florange (Moselle), dans un jeu du chat et de la souris avec les syndicats contestataires.
Le président de la République est arrivé très discrètement peu après 15h30. Le chef de l'Etat a salué les salariés, parmi lesquels de jeunes embauchés et des représentants de la CFDT et de la CFE-CFC, les deux syndicats majoritaires, dans le hall du bâtiment. Les journalistes ont été priés de rester à l'écart dans une salle aménagée au sous-sol du bâtiment. Plusieurs centaines de mètres plus loin, la CGT avait rassemblé dès le matin quelques dizaines de militants pour dénoncer les "promesses non tenues" du président.
Ce dernier est pourtant venu expliquer aux salariés qu'en dépit de la fermeture des hauts fourneaux en 2013, il "a respecté l'ensemble de (ses)engagements " pris lors de la campagne présidentielle de 2012. Une manière de vanter son bilan avant une éventuelle annonce de candidature début décembre.
"Je leur avais fait deux promesses: sauver le site et éviter tout plan social. Elles ont été tenues. Les 650 salariés qui travaillaient sur le haut fourneau ont été reclassés sur place et aucun n'a été licencié", explique-t-il dans une interview aux journaux du groupe Ebra.
M. Hollande souligne aussi avoir obtenu "180 millions d'investissements du groupe ArcelorMittal à Florange" et met en avant la création d'un centre de recherche publique pour la sidérurgie lorraine pour laquelle l'Etat a déjà débloqué "20 millions d'euros".
Selon la CGT du site cependant, sur ces 180 millions effectivement versés par le groupe industriel, seuls 53 millions l'ont été pour des investissements stratégiques. Le reste concernait notamment la maintenance des installations et des formations à la sécurité, affirme le syndicat. Mais le chef de l'Etat, qui effectue sa première visite de terrain depuis la parution d'un livre truffé de confidences présidentielles qui ont déstabilisé jusqu'au sein de son gouvernement, n'a croisé ni la CGT, ni FO, qui avait décidé de boycotter entièrement la visite présidentielle, ni Sud.
Réagissant aux propos de M. Hollande au groupe Ebra, Lionel Burriello, de la CGT, a expliqué à l'AFP que "la population active (...) ne se limite pas à Florange". "On oublie les sous-traitants, les prestataires. Ca fait 1.800 emplois dans la vallée de la Fensch", a ajouté le syndicaliste.
La CGT a décidé de ne pas suivre le Président, a-t-il précisé. "On l'invite s'il veut venir débattre, mais pas dans ces conditions".
Force ouvrière a pris la position de boycotter, afin de "dénoncer" pêle-mêle la loi travail et "les engagements non tenus sur le maintien des hauts-fourneaux et la nationalisation du site". Ces deux syndicats avaient refusé de signer l'accord social conclu en décembre 2012 entre la direction et la CFDT et CFE-CGC.
Sur le parking de Metafensch, l'ancien héraut de la lutte de Florange, le syndicaliste CFDT et désormais eurodéputé Edouard Martin, a déminé une visite "qui n'a rien d'extraordinaire", et expliqué que l'accord de Matignon avait été respecté. L'eurodéputé FN Florian Philippot était présent. "Vous ne m'entendrez pas dire que l'on a rien obtenu", a-t-il ajouté. "Chacun est libre de jeter le bébé avec l'eau du bain, mais je ne ferai pas partie de ceux-là".
Depuis le début de son quinquennat, M. Hollande est venu à deux reprises à Florange, en septembre 2013 et novembre 2014, des déplacements chaque fois assez chahutés. Cette troisième visite risque de cristalliser encore plus fortement le mécontentement contre un Président englué dans ses confidences embarrassantes et dont la cote de popularité ne cesse de dégringoler, à six mois de la présidentielle.
Venu une première fois à Florange en tant que candidat, en février 2012, François Hollande avait suscité beaucoup d'espoirs parmi les ouvriers sidérurgistes. Perché sur une camionnette, il avait promis de faire voter une loi contraignant les "grandes firmes" désireuses de se séparer d'une unité de production à "la céder à un repreneur" afin d'éviter son démantèlement. Pour beaucoup d'ouvriers d'ArcelorMittal cependant, la fermeture des hauts-fourneaux de Florange un an plus tard a signé la "trahison" du chef de l'Etat.