Des médias français renoncent à diffuser le portrait ou les noms des terroristes
Plusieurs grands médias français dont le journal Le Monde, la chaîne d’informations en continu BFMTV ou la radio Europe 1 renoncent à publier le portrait ou les noms des terroristes. Ce débat s’empare des médias et du monde politique au lendemain d’une nouvelle attaque revendiquée par l’Etat islamique contre une église de Normandie.
Au lendemain d’une nouvelle attaque de Daesh revendiquée en France, plusieurs médias nationaux ont annoncé leur intention de renoncer à diffuser le portrait des terroristes impliqués dans ce nouveau drame. Ainsi, le quotidien de référence Le Monde a été le premier à s’engager à changer de comportement face aux terroristes. Dans un édito publié par le directeur du journal daté du 27 juillet, «depuis l’apparition du terrorisme de l’organisation Etat islamique [EI], “Le Monde” a plusieurs fois fait évoluer ses usages. Nous avons notamment décidé de ne plus publier d’images extraites des documents de propagande ou de revendication de l’EI. A la suite de l’attentat de Nice, nous ne publierons plus de photographies des auteurs de tueries, pour éviter d’éventuels effets de glorification posthume. D’autres débats sur nos pratiques sont en cours» écrit Jérôme Fenoglio.
Le directeur du quotidien du soir estime que «les sites et journaux qui produisent ces informations ne peuvent s’exonérer d’un certain nombre d’introspections». Le journal a indiqué par contre qu’il continuerait à donner les noms des terroristes et évoquer leurs parcours, avançant que la justice donne le nom des djihadistes au fur-et-à-mesure de l’enquête judiciaire. Le procureur de Paris, François Molins, a communiqué rapidement le nom du premier terroriste mêlé à l’attentat de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Par contre, la justice ne diffuse jamais officiellement le visage des terroristes qui sont relayés par les médias sauf en cas d’avis de recherche comme ce fus le cas pour Salah Abdeslam en novembre 2015 ou les frères Kouachi en janvier de la même année.
- Europe 1 ne citera plus les noms, BFMTV et Le Monde les portraits -
"Face à l'accumulation des attentats en France, nous ne voulons pas créer un trombinoscope des terroristes. Nous arrêtons donc de publier leur photo, ce qui n'empêche pas un travail d'enquête et de fond sur leur profil et leur parcours. La seule exception à ce principe, ce sont les avis de recherche diffusés par les forces de l'ordre et qui peuvent aider les enquêteurs" précise Alexis Delahousse, directeur adjoint de la rédaction de BFMTV sur le site internet de la chaîne.
Le 27 juillet, suite aux déclarations du Monde et de BFMTV, Europe 1 décide à son tour de ne plus diffuser les photos des terroristes, en ajoutant au bannissement leur nom, une position à ce jour inédite. Le journal La Croix ne publiera que le prénom et l'initiale du nom de famille, sans publier de photo.
Le choix de ces trois grandes médias qui pourrait être suivi par d’autres journaux et médias audio-visuels ne satisfait pas tous les spécialistes du terrorisme et de l’engagement djihadiste. David Thomson, journaliste pour RFI et auteur d'un livre sur le parcours de plusieurs jihadistes français (Les Français jihadistes, ed. Les Arènes), ne croit pas à une diminution du fait terroriste. Le débat sur la diffusion ou non des photos a manifestement influencé les rédactions qui ont choisi de ne pas diffuser le portrait de A.K. Adel Kermiche, NDLR)" estime-t-il sur Twitter. "Ce choix éditorial destiné à éviter un effet "star'Ac terroriste" n'aura en revanche pas d'impact sur l'intensité terroriste en France" poursuit l’expert. « Le processus d’héroïsation se fait lui aussi au sein de la “djihadosphère”. "Elle compte déjà de nombreux héros que le grand public ne connaît pas. Certes, les médias de masse amplifient ce phénomène, mais l’essentiel ne se joue pas là. Ils sont d’abord des héros – positifs – aux yeux des leurs ; à l’extérieur, l’héroïsation se fait de façon négative" estime-t-il, cité par Libération.
Le debat sur la diffusion ou non des photos a manifestement influencé les rédactions qui ont choisi de ne pas diffuser le portrait de A.K.
— David Thomson (@_DavidThomson) 27 juillet 2016
Ce choix éditorial destiné à éviter un effet "star'Ac terroriste" n'aura en revanche pas d'impact sur l'intensité terroriste en France
— David Thomson (@_DavidThomson) 27 juillet 2016
Le procureur François Mollins va-t-il, lui aussi, anonymiser le nom des terroristes?
— David Thomson (@_DavidThomson) 27 juillet 2016
- Le débat devient politique -
Le vice-président du Front national et élu en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine quant à lui estime que ce n’est pas une bonne idée de rendre anonyme les terroristes. «"Anonymiser les terroristes" : réflexion d'autruches et/ou réflexion de ringards qui ne connaissent pas l'existence d'Internet et des RS» estime-t-il sur Twitter. «*Bip* a commis un *Bip* *Bip* dans la commune de *Bip* ce matin. Bilan : *Bip*. #Censure #LaFranceEn2016» a-t-il ironisé sur le même réseau social.
A l’inverse, à droite, certains élus vont dans le sens de ces trois grands médias. Geoffroy Didier, candidat à la primaire de droite, a fait une proposition dans ce sens et une pétition en ligne a recueilli 70 000 signatures. En parallèle, 41 élus de droite, autour d’Hervé Mariton, ont demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel des sanctions contre France 2 et TF1 : l’une pour avoir diffusé un témoignage d’un homme devant un de ses proches mort à Nice. Le CSA a annoncé ce mercredi qu’il pourrait sanctionner un seul média suite à cet attentat qui a fait 84 morts le 14 juillet, France 2.
Plusieurs quotidiens notamment britanniques ou encore Le Parisien Aujourd’hui en France ont diffusé la photo de l’un des deux terroristes de l’église de Normandie, alors que plusieurs images circulaient sur les réseaux sociaux.
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