Emmanuel Macron jongle entre premières propositions et faux suspense pour 2017

France - 05/10/2016 10h01 - mis à jour le 05/10/2016 12h58
Lu 4 249 fois -   LORACTU.fr La Rédaction
Emmanuel Macron jongle entre premières propositions et faux suspense pour 2017
Politique
Emmanuel Macron lors de son grand meeting (5 000 spectateurs), le 12 juillet 2016 à La Mutualité à Paris.

Le presque candidat Emmanuel Macron a livré une violente charge contre le système démocratique français qu’il estime à bout de souffle. A huit mois de la présidentielle, l’ex-ministre a commencé à Strasbourg (Bas-Rhin) à livrer de premières propositions, dessinant les contours de mesures fortes autour des institutions et de l’engagement. Récit. 

Il est arrivé peu avant 11H à la gare de Strasbourg que l’on dépeint régulièrement comme le carrefour de l’Europe. A sa descente du TGV, celui qui est candidat sans le dire doit déjà se frayer un chemin au milieu d’une nuée de journalistes parisiens venus couvrir l’acte un de la grande tournée que doit débuter M. Macron dans plusieurs villes de France pour sa précampagne où il doit livrer son «diagnostic» de l’état du pays. A peine parti du gouvernement, le voilà qu’il n’hésite pas à tacler Manuel Valls mais aussi à enfiler ses gants de boxe pour viser le favori de la primaire à droite Alain Juppé. Son «arrogance» est critiquée tandis que le Premier ministre est remis à sa place après ses critiques prononcées à l’encontre de M. Macron, accusé de faire du «populisme light» et d’être un «phénomène de mode». L’ancien banquier d’affaire a définitivement enfilé le costume de candidat à la présidentielle où les petites phrases contre adversaires vont se multiplier ces prochains mois.

M. Macron a ensuite déambulé dans les rues de Strasbourg pour tenter le contact avec les habitants de la capitale de la désormais méga-région Grand-Est. Difficile là aussi d’éviter la nuée de médias qui ne lâchent pas d’une semelle celui qu’ils présentent volontiers comme une surprise annoncée pour 2017 afin d’éviter un possible match retour Le Pen-Sarkozy-Hollande. Celui qui vient troubler le jeu, crédité de 12 à 14% d’intentions de vote au premier tour sans avoir formulé la moindre des propositions doit aussi composer avec les pressions exercées par le PS. Le sénateur-maire de la ville, Roland Ries, qui s’était affiché par surprise au premier rang du meeting de l’ex-locataire de Bercy à la Mutualité le 12 juillet dernier a séché l’étape strasbourgeoise du Macron Tour. Jugeant l’attitude du maire «décevante», Macron n’a pas fait mine d’ignorer les «pressions subi» par son «ami» Roland Ries. Absent du meeting, le baron local a affirmé qu’il n’était pas membre d’En Marche et qu’il «ne comptait pas dévier du chemin socialiste». De quoi rassurer le patron du ¨PS Jean-Christophe Cambadélis qui a multiplié ces derniers jours les messages à destination des élus socialistes tentés de soutenir le jeune candidat de 38 ans.

- Macron, (pour l'instant) candidat des journalistes -

La forêt de caméras et la quantité de journalistes présents à Strasbourg, mardi 4 octobre 2016 est comparable aux heures les plus intenses d'une campagne présidentielle. 

Si cette déambulation a été annoncée à la dernière minute aux journalistes pour ménager l’effet de surprise, Emmanuel Macron a rencontré une soixantaine de jeunes engagés en service civique – sans la caravane de journalistes cette fois - avant de tenir son grand meeting au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg. Avec un staff de campagne omniprésent aux côtés des journalistes – plus de 150 nationaux, régionaux et internationaux – un briefing a été organisé à la mi-journée avant la grande messe du soir. L’occasion pour les communicants de M. Macron de distiller la bonne parole, d’expliquer les mesures annoncées le soir même et assurer le service après-vente auprès des journalistes obsédés par une seule question: est-il candidat ? Une question qu’ils viendront même à poser à un écolier  qui rencontre Macron. «Il faisait quoi Emmanuel Macron avant ?» lance un journaliste. «Ministre de l’économie» répond religieusement le petit garçon. «Et après ?» provoque le reporter. «Je ne sais pas». Sourire gêné pour Emmanuel Macron.

Dans la salle, de 700 à 1 000 sympathisants d’En Marche arrivent en flux discontinus avant 19H, heure de lancement du meeting de «leur champion». A l’entrée du Palais des congrès, il faut montrer patte blanche. «Vous avez une invitation ? Alors il faudra être patient». Les quelques curieux ont dû renoncer à assister au premier grand meeting du fondateur de ce nouveau mouvement qu’il souhaite ouvert à tous les courants. Pendant près d’une heure, une dizaine de «marcheurs» vont livrer leur diagnostic de la France après l’opération de porte-à-porte lancée en avril par le mouvement : 300 000 portes frappées, 100 000 conversations et 25 000 formulaires remplis. Inédit, l’exercice est toutefois long et très techno où l’on enchaîne les chiffres, les graphiques et les constats partagés par les hommes politiques depuis 30 ans. Une spectatrice quitte la salle au bout de 45 minutes. «On est venu écouter Emmanuel Macron, c’est trop long ! On enchaîne les généralités. J’attendais des propositions, des solutions, bousculer le système (…)» lance-t-elle. Elle sera plus déçue encore après 21H quand le possible candidat s’est contenté de quelques mesures «refusant de présenter un catalogue de 1 000 mesures ou de sortir quatre ou cinq livres».

- Quelques propositions dévoilées sans grande surprise -

Pour M. Macron, il faut revoir «l’hygiène démocratique» du pays en opérant des réformes de structure qui permettent de réconcilier les citoyens et les élus. «Les Français ont le sentiment que la politique ne mène nulle part», assurait Emmanuel Macron devant les journalistes à la mi-journée, qui avance plusieurs pistes. La première, c'est la proportionnelle. «Il faut l'introduire à l'Assemblée, assure-t-il, et de façon massive au Sénat. En 2012, François Hollande formulait la même promesse parmi ses 60 engagements de campagne.

Outre cette réforme qui pourrait ainsi offrir d’avantage de parlementaires à Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen par exemple, Macron prône aussi le cumul des mandats. Dans le temps mais aussi dans leur nombre et veut encourager les élus à ne pas faire carrière en politique. Emmanuel Macron propose ainsi un concept de formations pour les citoyens afin qu’ils accèdent aux fonctions d’élus et à l’inverse que les hommes et femmes politique en fin de course puissent revenir à la vie civile.

LIRE AUSSI. A Strasbourg, Emmanuel Macron esquisse un début de programme pour 2017

L’homme «sans programme» comme le titrait Le Monde ce mardi a dévoilé là l’ébauche d’un début de programme, assez audacieux notamment sur les comptes à rendre des élus auprès des Français au-delà des traditionnelles élections présidentielles, législatives et intermédiaires pendant le mandat suprême. Mais sur le reste, les observateurs et éditorialistes s’accordent que la plupart des mesures sont prônées et promises depuis des années par les politiques «du système». Une sorte d’audit des élus est proposé par M. Macron. Chaque année, le président de la République devrait rendre des comptes auprès d’un panel de Français tirés au sort et les ministres de commissions parlementaires qui évalueraient compétences et probité des membres du gouvernement.

«Nos concitoyens adorent la politique. Et conchient leurs responsables politiques. On est un des pays les plus politiques au monde. Mais on est face à ce paradoxe» a assuré M. Macron. L’énarque de 38 ans a imaginé avec son diagnostic de la France la VIème République de demain, «sa VIème République» avant de présenter des propositions fortes sur la vie quotidienne (travail, logement, insécurité, transport) au Mans le 11 octobre puis «la vie ensemble» à Montpellier le 18 octobre (intégration, laïcité, etc.).

- Attaques en règle contre Sarkozy, Juppé, Valls et Hollande -

Le leader du mouvement En marche ! plaide également pour «redonner des compétences au plus près du terrain». Une nouvelle étape dans la décentralisation serait enclenchée et les délégations de service public se multiplieraient. «Sur la gestion de certains grands risques il faut déléguer aux associations, voire au privé, assure Emmanuel Macron, prenant l'exemple des 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. L’ancien banquier d’affaires n’a pas précisé s’il entendait défendre la privatisation de certaines grandes entreprises de service public comme la SNCF ou La Poste.

Livrant sa vision de la République exemplaire, Emmanuel Macron a fustigé la présence d’un «ex-président de la République et deux anciens Premiers ministres» à la primaire de la droite. Sans le citer, il a violemment attaqué – sous les applaudissements – Nicolas Sarkozy. «Peut-on imaginer sérieusement commander aux destinées du pays, se présenter au suffrage du pays, alors qu'on a délibérément dépassé le plafond des dépenses autorisées pour sa campagne», a lancé Emmanuel Macron visant l'ancien président et l'affaire Bygmalion. Alain Juppé en a pris pour son grade. Condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, Macron a répliqué qu’il était inimaginable que des personnes au casier judiciaire non vierge puissent être candidat à la présidence de la République. Du côté de François Hollande, son débat avorté sur la déchéance de nationalité a été attaqué mardi soir par son ex-conseiller sans compter son bilan. Emmanuel Macron l’a en quelque sorte exhorté de faire des mea-culpa sur ses échecs s’il entend repartir pour une seconde campagne présidentielle. S’il se défend de ne pas griller la politesse au chef de l’Etat qui doit prononcer un discours sur les institutions de la République jeudi, Emmanuel Macron a au moins réussi hier à Strasbourg ce qu’il maîtrise sans doute le mieux: saturer l’espace médiatique. 

Nicolas ZAUGRA, (envoyé spécial à Strasbourg (Bas-Rhin))

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