A Florange, Hollande effectue un déplacement en catimini et coupé de la population
Le chef de l’Etat a soigneusement évité de croiser ses détracteurs lundi à Florange et à Uckange (Moselle) alors qu’il lui est reproché d’avoir promis en vain de sauver les très symboliques hauts-fourneaux. Venu solder l’un des boulets de son quinquennat, François Hollande a fait le minimum syndical. Récit.
Peu importe les mauvais sondages qui se succèdent, les confidences explosives à des journalistes qui ont fait l’effet d’une bombe, le comité d’accueil syndical à l’entrée du site de Florange ou la campagne de la présidentielle qui a déjà commencé sans lui, François Hollande y croit encore. Hier à Florange et à Uckange, le chef de l’Etat est resté droit dans ses bottes sur un terrain miné en affirmant avoir tenu «tous ses engagements» en sauvant les 629 emplois de la filière chaude du site industriel sans être toutefois parvenu à maintenir l’activité des hauts-fourneaux. Cette affirmation martelée le matin même dans un entretien à la presse quotidienne régionale puis tout au long du déplacement par M. Hollande et son entourage n’enlèvera rien à des engagements non tenus.
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Celui d’abord de sauver les hauts-fourneaux de Florange. Juché sur le toit d’une camionnette syndicale en février 2012 en pleine euphorie de la campagne présidentielle, le candidat Hollande assure alors qu’il fera tout pour sauver les hauts-fourneaux éteints depuis un an par le géant ArcelorMittal. Voulant éviter la catastrophe Gandrange qui avait embarrassé son concurrent d’alors Nicolas Sarkozy, le candidat de la gauche avait donné espoir aux ouvriers du site mosellan.
"Quand je parle de Florange, quand cette ville est citée (...) la représentation c'est une usine qui ferme- elle n'a pas fermé. Ce sont des salariés licenciés- il n'y en a eu aucun. C'est un plan social - il n'a pas eu lieu", a lancé le président de la République lors d'un discours à Uckange. Pour le chef de l’Etat, il fallait répéter que si les hauts-fourneaux sont éteints, le gouvernement a tout fait en 2012 pour maintenir l’activité du site et reclasser les salariés concernés par ce qui est, selon le chef de l’Etat, pas un plan social.
"J'avais pris trois engagements", a rappelé le chef de l'Etat, énumérant le reclassement des 629 ouvriers des hauts-fourneaux, l'absence de plan social et la création de Metafensch. "Voilà ce qu'est Florange. Et Florange, pour ce qui me concerne, ce n'est pas un souvenir, c'est un avenir. Et ici, c'est le signe que le combat a été gagné", a martelé le président.
- Le malentendu industriel et social du quinquennat Hollande -
Puis François Hollande a décoché plusieurs flèches à son ancien ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg, partisan acharné d'une nationalisation partielle des hauts-fourneaux. Et présent en Lorraine la semaine dernière. Elle "n'aurait eu aucun impact, aucun effet, et en plus n'aurait pas pu être réalisée", a-t-il balayé. "J'avais dit qu'il y aurait une loi qui pourrait empêcher qu'un grand groupe puisse abandonner un établissement, un site et ne rien faire pour rechercher un repreneur. Cette loi a été votée. Elle s'appelle la loi Florange", a aussi lancé le président, alors qu'Arnaud Montebourg, candidat déclaré à la primaire de la gauche, aime à s'attribuer la paternité de ce texte. "Nous ne devons pas vendre de l'illusion, ne pas semer un discours qui pourrait être celui de la magie", a-t-il conclu.
François Hollande avec l'ex-syndicaliste CFDT et actuel député européen PS, Edouard Martin.
Le président de la République a surtout soigneusement évité le comité d’accueil composé de syndicalistes en colère qui ne digèrent toujours pas la fermeture des hauts-fourneaux. En 2013, des images de sifflets à l’arrivée du convoi présidentiel sur le site avaient mis à mal la communication de l’exécutif. Cette fois pour la dernière visite du quinquennat pas question de dérapages, la CGT, Sud et FO qui ont boycotté la table ronde avec François Hollande ont été mis à l’écart. Seuls la CFDT et la CGC-CFE ont accepté la rencontre présidentielle avec des cadres de la firme indienne. Les journalistes eux aussi ont été tenus à l’écart pour éviter les questions sur les promesses non tenues et sur les confidences présidentielles publiées dans le pavé Un président ne devrait pas dire ça (Stock). Se contentant d’affirmer dans un entretien accordé aux journaux de la presse régionale du groupe Ebra qu’il s’agit de «petites phrases sorties de leur contexte», M. Hollande se mure dans le silence depuis cette publication survenue jeudi.
- A Florange, Hollande est coupé de la population -
Après ses confidences choc, Hollande attendu au tournant à Florange
Alors que plusieurs proches l’ont clairement lâché, de Claude Bartolone à Manuel Valls en passant par le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis, la visite de Florange prévue dans un plan d’action bien plus vaste a permis à M. Hollande de commencer l’inventaire de son quinquennat en vue d’une très probable candidature à la primaire de gauche. Si plus grand monde autour de lui n’y croit, François Hollande semble encore le seul à imaginer relever la tête alors qu’un nouveau sondage publié dimanche assomme ses ambitions. Selon cette enquête publiée dimanche dans le Journal du Dimanche, les Français souhaitent seulement à 14% (-1 par rapport à septembre) qu'il soit de nouveau candidat à l'élection présidentielle de 2017. Cette nouvelle candidature n'est souhaitée que par 20% des sympathisants de gauche (40% de ceux du PS). 73% (-1) des sondés pensent qu'il sera quand même candidat.
S’il n’a pas été accueilli par des sifflets, François Hollande a toutefois pu mesurer sa coupure avec le pays lundi à Florange et à Uckange. La population tenue à l’écart montre à quel point le chef de l’Etat ne peu plus se permettre de bains de foule ou de prise directe avec l’opinion publique tant son impopularité est record. Les quelques selfies réalisés avec des salariés soigneusement choisis par la communication présidentielle n’ont pas permis d’empêcher de confirmer l’incroyable malentendu industriel du quinquennat de M. Hollande. Un malentendu qui va laisser des traces à gauche alors que la bataille de la primaire a déjà commencé. Son ex-ministre du Redressement Productif Arnaud Montebourg qui lui a grillé la politesse en venant jeudi dernier en a profité pour rappeler la co-responsabilité Hollande-Ayrault dans la fermeture des hauts-fourneaux. La réponse du chef de l’Etat n’a pas tardé : une nationalisation partielle n’aurait eu aucun impact, a-t-il estimé. La bataille de Florange s’annonce aussi politique à sept mois de l’échéance présidentielle.