Préjudice d'anxiété des mineurs: les prud'hommes donnent raison à 786 "gueules noires"
Le conseil des prud'hommes de Forbach (Moselle) a donné jeudi raison aux centaines de "gueules noires" qui demandaient la reconnaissance de leur préjudice d'anxiété pour l'exposition à des substances cancérogènes dans les mines de charbon.
Le manquement aux obligations de sécurité de Charbonnage de France, en exposant les mineurs à des produits dangereux et sans protection suffisante constitue "un préjudice moral spécifique dit d'anxiété, soit le fait de vivre dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration d'une maladie liée à l'exposition aux produits dangereux", selon un communiqué.
Le conseil a reconnu les prétentions de 786 des 834 anciens mineurs qui demandaient réparation, arguant de l'irrecevabilité des 48 autres plaintes, et condamné Charbonnage de France (CdF) "à payer à chacun d'eux la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts".
Lors de l'audience en mars, dans une salle bondée de centaines de mineurs, leurs avocats avaient demandé de 6.000 à 40.000 euros par dossier.
Le préjudice d'anxiété est une "épée de Damoclès" qui pèse sur les anciens salariés des mines, avait dit Me Jean-Paul Teissonière, la crainte de tomber à son tour malade, alors que depuis le début de la procédure, en 2013, vingt personnes sont mortes.
Une argumentation "de bric et de broc", alors que "l'anxiété est le propre de la condition humaine" avait fustigé le liquidateur de Cdf, Daniel Cadoux.
L'entreprise avait aussi souligné que la notion d'anxiété ne pouvait pas s'appliquer dans ce cas précis, s'appuyant sur une loi de 1998 qui liste les sites concernés par le préjudice à l'amiante, et renforcée par un arrêt de la cour de cassation de 2016.
Mais pour le conseil des Prud'hommes, "CdF a manqué à son obligation de sécurité, en exposant fautivement les mineurs à, au moins, 2 produits reconnus dangereux pour leur santé et sécurité physique, à savoir les poussières nocives et le formol utilisé dans les résines de consolidation".
En février 2015, la justice prudhommale avait reconnu pour la première fois à d'autres mineurs lorrains, employés dans des mines de fer, un préjudice d'anxiété face au risque de développer de graves maladies professionnelles. L'ancien exploitant de mines de fer en Lorraine, Lormines, avait fait appel de cette décision.