Alsace-Moselle: l'Observatoire de la laïcité préconise l'abrogation du délit de blasphème (actualisé)
L'Observatoire de la laïcité, instance rattachée à Matignon, a préconisé, dans un avis publié lundi, de faire "évoluer" le droit local spécifique à l'Alsace-Moselle, en abrogeant notamment le délit de blasphème et en rendant pleinement optionnel l'enseignement religieux à l'école.
L'Observatoire, présidé par l'ancien ministre Jean-Louis Bianco, entend proposer "des évolutions dans le sens d'une application plus large du principe de laïcité en Alsace-Moselle", sans pour autant remettre complètement en cause le droit local des cultes, en raison de l'"attachement" de la grande majorité des populations concernées à ces spécificités.
Parmi ces évolutions, l'instance recommande que soit abrogé dans le droit local un article hérité du code pénal allemand de 1871, et qui réprime le blasphème.
"Celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes" est passible de trois ans de prison, stipule ce texte, qui de facto n'a jamais été appliqué depuis le retour de la région à la France, en 1918.
Le 6 janvier, veille de l'attaque sanglante contre Charlie Hebdo, les représentants des cultes "reconnus" en Alsace-Moselle (catholique, protestant et juif) avaient déjà préconisé, lors d'une audition devant l'Observatoire de la laïcité, l'abrogation de ce délit tombé en désuétude.
L'Observatoire, qui, au cours des derniers mois, a également auditionné juristes, élus locaux et militants de la laïcité, souligne lui-même que la mesure serait avant tout symbolique: selon certains juristes, cet article du code pénal n'a de toute façon pas force de loi, car il n'a jamais été traduit en français.
L'Observatoire de la laïcité s'est également penché sur l'enseignement de la religion à l'école publique. En théorie, cet enseignement est obligatoire en Alsace-Moselle, à raison d'une heure par semaine dans le primaire comme dans le secondaire. Dans les faits, il est cependant facultatif, puisque les familles peuvent demander à en être dispensées.
L'Observatoire propose d'"inverser les modalités de choix" pour cet enseignement: il ne reviendrait désormais plus aux élèves qui ne souhaitent pas suivre ce cours de demander à en être dispensés, mais à ceux qui souhaitent le suivre de s'y inscrire.
En outre, en primaire, cette heure de religion ne devrait plus être, comme aujourd'hui, intégrée dans les 24 heures de cours hebdomadaire, car cela conduit à ce que "les élèves se voient privés d'une heure d'enseignement général par rapport aux élèves du reste du territoire", relève l'Observatoire.
Trois membres de l'organisme- les parlementaires de gauche Jean Glavany et Françoise Laborde et l'essayiste Patrick Kessel -, se sont toutefois désolidarisés de cet avis. Ils regrettent qu'il n'apporte aucune réponse à la "discrimination" subie par l'islam, qui ne fait pas partie des cultes reconnus par le droit local d'Alsace-Moselle.