Dans l’Est, violentes passes d’armes entre le FN et la droite
La première séance du nouveau conseil régional d’Alsace-Champagne-Ardennes s’est soldé par de violents échanges entre la droite et le Front national. Les deux ténors Philippe Richert (LR) et Florian Philippot (FN) ont accumulé les querelles de fond et de forme.
Pour la première fois, hors séance d’installation du 4 janvier, les 169 élus du Conseil régional du Grand-Est se sont penchés sur les dossiers de fond. Après une violente campagne en décembre puis un psychodrame à gauche finalement réglé, les élus régionaux se mettent désormais au boulot sur des dossiers qui s’annoncent électriques. Nouveau nom de la région, méthodes de travail, représentativité des couleurs politiques, initiatives pour l’emploi et les territoires ruraux…
L’organisation du travail des conseillers régionaux
Le FN a fustigé les «conditions d’organisation» de la première séance du Conseil régional. Florian Philippot qui conduit 45 élus frontistes sur les dix départements a dénoncé «l’improvisation de l’équipe Richert». «Nous avons reçu les documents quatre jours avant, alors que c’est normalement 12… j’ai été invité à une réunion de présidents de groupe jeudi soir pour le vendredi matin…» s’est agacé le très médiatique vice-président du FN. «Il n'y a pas eu de compte rendu de la session précédente, je vous demande une préparation plus professionnelle (…)» a-t-il poursuivi.
La réponse de Philippe Richert, président LR de la nouvelle région, n’a pas tardé. «Vous avez déposé des amendements sur le règlement intérieur à 10h57 (la séance débutait à 11h, NDLR) alors que vous avez eu les documents dans les temps requis. Vous feriez bien d'appliquer à vous-même les leçons que vous entendez nous donner (…)» lui a répondu M. Richert qui a fustigé à plusieurs reprises les «effets de comm» du FN. «Vous m’avez affirmé plusieurs fois que vous alliez travailler sérieusement avec nous… Je vois que ce n’est pas la réalité» a attaqué Philippe Richert.
Le président de la région a notamment reproché à Florian Philippot de s’être fait représenter à la réunion des présidents de groupe. Pernelle Richardot, co-présidente du groupe PS a également vivement attaqué Philippot. «Il y avait un accord entre les représentants des groupes vendredi matin, hier soir c'était remis en cause par le FN, qui n'a décidément pas de parole crédible» attaque l’élue alsacienne. «M. Philippot ne participe qu'à 12 % des commissions thématiques au Parlement européen alors s’il s’inquiète désormais de celles de la région…» a-t-elle ironisé.
Jean Rottner, maire (LR) de Mulhouse qui conduit le groupe de la majorité der droite et du centre (104 élus) a également recadré Philippot. «Nous sommes au travail, la réunion des présidents de groupe était constructive, vous revenez aujourd'hui en arrière sur ce qui a été décidé. Quand on est élu responsable, on s'en tient aux décisions prises, l'opinion jugera».
Baisse de 20% des indemnités des élus régionaux
Les élus de la nouvelle région Grand-Est gagneront moins que le palier permis par la loi. Philippe Richert (Les Républicains-UDI-MoDem) et sa majorité avaient proposé après leur victoire aux régionales une baisse des indemnités des élus de la région de 20 à 30%. Ce sera finalement 20%.
Ce lundi, l’unanimité des 169 conseillers régionaux ont voté en faveur de la baisse des indemnités des conseillers régionaux (majorité de droite et du centre, groupe PS et groupe FN). La mesure permettra une économie d’un million d’euros par an soit une 6 millions d’euros pour le mandat de M. Richert sur un budget global de plus de 2,3 milliards d’euros.
Le nouveau conseil régional s’est aussi prononcé sur les indemnités du futur Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) du Grand-Est. La majorité de Philippe Richert a proposé une fixation des indemnités de ces élus par le conseil économique et social lui-même (plafonné à 40% des élus du conseil régional). Le Front national a déposé un amendement finalement retiré pour une baisse de 40 à 5% de l’indemnité des élus du CESE. David Masson-Weyl (FN) qui a fustigé l’existence des CESE au niveau national estimait qu’ils devaient être supprimés. Finalement, la majorité LR-UDI-MoDem et la gauche ont voté pour une fixation par l’indemnité des élus du CESE par les élus eux-mêmes.
En cas d’absence (et selon le nombre d’absences) l’élu verra encore ses indemnités diminuer de 15 ou 30 %. Un conseiller régional touchera ainsi 2.128,82 euros brut par mois. Les 15 vice-présidents toucheront 2.980,35 euros, le président 4.409,70 euros d’indemnités.
Le nom de la future région choisi en partie par les habitants
Les 169 élus du conseil région d’Alsace-Champagne-Ardenne se sont accordés sur une consultation des citoyens qui s’exprimeront sur le choix du nom. Récemment, une première réunion s’est tenue autour de Philippe Richert avec des représentants de médias régionaux afin d’émettre de premières idées. Les journaux, télévisions, radios et sites internet d’informations du Grand-Est participeront à l’opération permettant au plus grand nombre d’exprimer son avis.
Philippe Richert a proposé la création de quatre comités de réflexion. Le premier sera composé d’universitaires et de spécialistes de la communication. Le président Les Républicains de la nouvelle région plaide pour un nom qui rassemble l’identité des trois anciennes régions. Il ne veut pas ACAL ou ALCA.
Le second comité sera composé de citoyens d’Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Ces habitants seront volontaires, âgés de plus de 15 ans et tirés au sort pour représenter les 10 départements du Grand-Est. Le troisième sera composé d’acteurs de la vie économique de la nouvelle région (CCI, représentants syndicaux, chefs d’entreprises…) et le dernier des agents de la fonction publique territoriale du Conseil régional et des élus de tous bords.
Méthodologie de la #démarche #participative du nom de la #GrandeRégion @acalregion pic.twitter.com/P8kt9L57aN
— Philippe Richert (@PhilRichert) 25 Janvier 2016
Ces groupes proposeront trois noms pour une proposition à la population. Les habitants seront ensuite consultés via internet (pas de référendum ou de vote physique) au mois de mars durant environ un mois. Enfin, au mois d’avril le Conseil régional se prononcera définitivement sur le nom. Le décret doit être pris en Conseil d’Etat avant le 1er octobre 2016.
Les élus FN rendent leur iPhone en pleine séance
Le groupe FN a rendu sous l’œil des caméras ses 46 iPhone fournis par la région dans le kit de l’élu (avec des iPad, d’un coût d’environ 190 000 euros, NDLR). L’ensemble des élus du FN a déposé leur boîte de smarphone sur le bureau de Philippe Richert qui a dénoncé un «coup de communication». «iPad, oui, iPhone, non, nous avons tous un téléphone, le groupe a décidé de rendre les 46 IPhone. Qu'allez-vous en faire ?» s’est indigné Philippot auprès de Richert.
Les élus @ACALPatriotesFN rendent leurs 46 iPhone à M. Richert ! Aucun élu UMPS ne fait de même. pic.twitter.com/FZcSyEI98t
— David Masson-Weyl (@DMdoubleV) 25 Janvier 2016
Le président LR a répondu que les équipements Apple permettaient aux élus de communiquer entre eux dans une nouvelle grande région et d’éviter l’envoi de documents. «1 million d’euros d’économies pour éviter l’envoi de dossiers parfois de plus de 1 000 pages» a assuré M. Richert face aux élus, agacé de ce «coup de théâtre» des élus FN. «Populisme», «scandaleux» criaient dans l’hémicycle de Strasbourg les élus de droite et de gauche. «Voilà une belle façon de faire de la politique, la question n'est pas de rendre les téléphones mais de faire parler de soi. Le symbole de la politique spectacle. Ce qui fait la différence entre ceux qui s'occupent de la surface et ceux qui s'occupent du fond» a conclut M. Richert.
La gauche soutient le plan Richert pour l’emploi
L’après-midi des débats a été consacré à l’emploi et à l’économie. Pour le FN ou la gauche, le plan présenté par Philippe Richert et sa majorité n’est pas à la hauteur. Mais la gauche et le groupe de majorité ont tout de même voté en faveur du plan pour l’emploi tandis que le FN s’est abstenu. La gauche souhaite une co-construction d’un plan en faveur des entreprises et donc de l’emploi. «On est loin de la co-construction des politiques économiques» assure Pernelle Richardot (PS) pour qui «il manque une vision stratégique».
Nous demanderons le #Transfert des fonds d'#Etat en matière d'#investissements aux #entreprises. #Economie #emploi
— Philippe Richert (@PhilRichert) 25 Janvier 2016
Nous accompagnerons la #transformation de 100 à 150 PME / an, en #usinedufutur. @acalregion sera une référence en la matière
— Philippe Richert (@PhilRichert) 25 Janvier 2016
Pour Philippe Richert, «que ce soit un gouvernement de gauche ou pas, si c'est bon pour les entreprises, je prends, je regarde quel est l'intérêt, compte tenu de toutes les annonces, faut regarder, Noël est passé, mais il faut réagir, construire, écouter (…» a-t-il assuré, dans la droite ligne de son discours de victoire où il tendait la main au gouvernement. Il rencontrera d’ailleurs François Hollande début février avec l’ensemble des présidents de région. Il continuera sa pression pour obtenir des compétences supplémentaires sur l’emploi et la formation pour inverser la courbe du chômage. Des pressions qui semblent fonctionner auprès de M. M Valls et Hollande.
Un pacte de la ruralité pour les territoires isolés
Dans une nouvelle région de 5,5 millions d’habitants aux territoires parfois enclavés des grandes agglomérations (Meuse, Vosges, Ardennes, Haute-Marne…), la majorité de Philippe Richert doit s’efforcer de proposer des solutions concrètes pour ces territoires «oubliés de la République» qui ont massivement voté FN aux régionales. Le conseil régional veut notamment développer le déploiement du haut débit dans les campagnes et favoriser le lien social. Le FN et la gauche se sont abstenus sur l’adoption de ce «pacte».
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