Le délit de blasphème "ne peut plus être appliqué" en Alsace-Moselle

Metz - 06/01/2016 09h43 - mis à jour le 06/01/2016 10h34
LORACTU.fr La Rédaction
Le délit de blasphème "ne peut plus être appliqué" en Alsace-Moselle
Société
Le siège de la nouvelle région Alsace-Champagne-Ardenne situé à Strasbourg (Bas-Rhin). PHOTO: LORACTU.fr

Le ministère de la justice estime que la justice française ne peut plus condamner quiconque pour blasphème, y compris en Alsace-Moselle, où cette notion est pourtant demeurée présente dans le droit local.

Le délit de blasphème « ne peut (…) plus être appliqué par les juridictions françaises dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ». La phrase émane du ministère de la justice. Dans une réponse à une question parlementaire, la place Vendôme a précisé, fin décembre 2015, le statut de ce délit qui figure toujours dans le droit alsaco-mosellan révèle le quotidien catholique La Croix dans son édition en ligne. La Chancellerie considère donc qu’on peut se laisse tenter sans risques de poursuites judiciaires au blasphème dans ces trois départements concordataires.

Pour le ministère, le texte réprimant le délit de blasphème n’a jamais «été expressément abrogé par le législateur, cet article n’est aujourd’hui plus applicable sur notre territoire» précise-t-il toutefois. Le ministère de la justice répondait à une question posée par le député communiste du Puy de Dôme André Chassaigne qui souhaitait savoir « comment la suppression du délit de blasphème dans le code pénal d’Alsace-Moselle pourrait être mise en œuvre».

Une ancienne spécificité en Alsace-Moselle

Il y a un an, juste avant les attentats de Charlie Hebdo, les représentants des principaux cultes en Alsace-Moselle, y compris l'islam, demandent que le délit de blasphème, toujours en vigueur dans le droit local, soit abrogé car "il est tombé en désuétude". Catholiques, protestants, juifs et musulmans ont fait cette proposition le 6 janvier 2015 - à la veille de l'attaque sanglante contre Charlie Hebdo – lors d'une audition commune à Paris devant l'Observatoire de la laïcité, une instance rattachée aux services du Premier ministre.

"Cela montre que les cultes sont conscients du caractère excessif d'une telle mesure, et de son caractère attentatoire à la liberté d'expression. Ils nous ont proposé eux-mêmes d'y mettre un terme", a dit à l'AFP Nicolas Cadène, le rapporteur général de cet observatoire.

Le blasphème est théoriquement réprimé en Alsace et en Moselle par un article hérité du code pénal allemand de 1871, resté en vigueur après le retour à la France de ces trois départements, en 1918. Il n'a jamais été appliqué depuis lors, a indiqué à l'AFP le secrétaire général de l'Institut du droit local alsacien-mosellan, Eric Sander. Il punit d'un maximum de trois ans de prison "celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes".

Un procès en 2013 contre Charlie Hebdo

En 2013, la Ligue de défense judiciaire des musulmans, outrée par une caricature publiée à Une de Charlie Hebdo, avait invoqué le blasphème pour attaquer l'hebdomadaire satirique devant un tribunal strasbourgeois. Mais la procédure avait été déclarée nulle, pour des raisons de forme. A terme, il reviendrait éventuellement au Parlement de se saisir de ce
dossier, pour abroger formellement ce délit, selon l'Institut du droit local.

En mai 2015, l'Observatoire de la laïcité, instance rattachée à Matignon, a préconisé, dans un avis, de faire "évoluer" le droit local, en abrogeant notamment le délit de blasphème et en rendant pleinement optionnel l'enseignement religieux à l'école.  L'Observatoire, qui, au cours des derniers mois, a également auditionné juristes, élus locaux et militants de la laïcité, souligne lui-même que la mesure serait avant tout symbolique: selon certains juristes, cet article du code pénal n'a de toute façon pas force de loi, car il n'a jamais été traduit
en français.

Quelques jours après les attentats de Charlie, les francs-maçons du Grand Orient de France (GODF) ont demandé "que tout soit mis en œuvre pour que le délit de blasphème, qui existe encore sur le territoire d'Alsace-Moselle, soit supprimé sans délai". Dans le même temps, le sénateur-maire (Les Républicains) de Woippy en Moselle, François Grosdidier, avait déposé une proposition de loi pour que le délit de blasphème soit abrogé. 

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4Commentaires

Yves Memel
Yves M. - il y a 2 mois
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...Nom de D... !... Répondre
citoyen
citoyen M. - il y a 2 mois
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Les francs macs ont eu le dernier mot, d'ailleurs comme pour bien d'autres décisions. Cela étonnerait-il quelqu'un ? Répondre
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