Affaire Vincent Lambert: la bataille continue autour de son maintien en vie
Les médecins doivent reprendre la procédure de consultation d'experts pouvant mener à l'arrêt des soins de Vincent Lambert, tétraplégique en état végétatif, a décidé jeudi la cour administrative d'appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Faut-il laisser mourir Vincent Lambert, ce tétraplégique en état végétatif depuis bientôt huit ans? Sans se prononcer explicitement sur ce point, la justice a ordonné jeudi que soit relancée la procédure de consultation des experts pouvant mener à un arrêt des soins, une décision jugée "incompréhensible" par les partisans de son maintien en vie. "Le médecin en charge de M. Vincent Lambert doit (...) poursuivre la procédure qu'il avait engagée" le 7 juillet 2015, préalablement "à une éventuelle décision d'arrêt de traitement", a décidé la cour administrative d'appel de Nancy.
La cour a ainsi infirmé une décision de première instance d'octobre 2015, concernant l'ancien infirmier de 39 ans, victime d'un accident de moto en 2008. Son cas déchire sa famille depuis des années, tout en soulevant d'épineuses questions éthiques touchant au sort des patients en état végétatif irréversible.
En juillet dernier, la médecin du CHU de Reims, Daniela Simon, avait arrêté la procédure collégiale pour une durée indéterminée, arguant que le climat de sérénité nécessaire n'était pas réuni et qu'elle avait eu vent de projets d'enlèvement du patient.
Jeudi, la cour administrative a cependant estimé que "d'éventuelles menaces pour la sécurité" de Vincent Lambert et de l'équipe soignante n'étaient "pas un motif légal pour justifier l'interruption de la procédure". Cette décision "implique seulement que la procédure collégiale soit reprise au sein du CHU de Reims", mais "ne préjuge en rien" de son issue, a toutefois précisé la cour.
François Lambert, le neveu du patient qui se bat depuis des années pour qu'on le laisse mourir (au côté de Rachel, l'épouse de Vincent), s'est immédiatement réjoui de cette décision. "Même si le juge ne peut pas dire au médecin ce qu'il doit faire, la loi doit s'appliquer", a-t-il dit. "Je ne vois pas très bien comment les médecins pourraient motiver une autre décision que celle d'arrêter les soins", a-t-il ajouté. Dans le camp opposé, l'avocat des parents de Vincent - des catholiques traditionalistes, farouchement opposés à l'arrêt des soins - a fait part de sa "grande surprise" face à une décision "absolument incompréhensible".
- Une autre procédure toujours pendante -
Le problème, a expliqué Me Jean Paillot, est que cet arrêt ne tient pas compte d'une autre procédure judiciaire toujours pendante devant les tribunaux, qui concerne la désignation d'un tuteur pour Vincent Lambert.
En première instance, c'est Rachel, la femme de Vincent, qui a été désignée comme tutrice. Mais les parents ont contesté cette décision devant la cour d'appel de Reims, qui doit se prononcer le 8 juillet. En attendant, "je demande très officiellement au CHU de Reims de suspendre à nouveau la procédure collégiale, cette fois pour une durée déterminée, le temps que le tuteur soit officiellement nommé et qu'il puisse, avec le juge des tutelles, reprendre son rôle et transférer Vincent vers un autre établissement", a plaidé l'avocat.
La procédure collégiale de consultation des experts, dont la cour de Nancy a ordonné jeudi qu'elle soit relancée, est en fait la deuxième de ce type dans cette affaire aux multiples volets et rebondissements judiciaires.
Une première procédure, en 2013, avait mené à une décision d'arrêt des soins prise par son médecin d'alors, le Dr Eric Karinger, début 2014.
Cette décision ayant été contestée par les parents, la justice avait une première fois tranché: le Conseil d'Etat avait estimé que l'arrêt des soins était justifié, une décision ensuite validée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Le Dr Daniela Simon, qui aurait pu alors reprendre les conclusions de ses confrères, avait décidé, deux ans ayant passé, de recommencer la procédure depuis le début. Sur ce point, la cour de Nancy lui a d'ailleurs donné raison jeudi, en soulignant qu'elle ne pouvait être liée à une décision prise précédemment par un autre médecin.
Pourtant, pour François Lambert, "c'est aberrant qu'on en soit encore là après tout ce qu'on a vécu". "La reprise de la procédure consultative était une erreur puisqu'elle ouvre la voie à de nouvelles contestations", a-t-il déploré.
(Avec AFP)
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