28/11/2012 |
EXCLUSIF. Selon nos informations, le montant de la vente de l’intégralité du site de Florange pourrait être comprise entre 150 et 200 millions d’euros. Dans l’éventualité d’une nationalisation par le gouvernement, l’opération pourrait coûter très cher à l’Etat.
D’après une source proche du dossier, l’ensemble du site de Florange, c’est-à-dire les hauts-fourneaux mais aussi la filière froide serait estimée jusqu’à 200 millions d’euros. « On s’approche plus des 150 à 170 millions » apprend-t-on de même source. Toutefois, ArcelorMittal ne met en vente que ses hauts-fourneaux conformément à l’accord passé entre l’Etat et l’industriel. Le prix de la filière chaude seule n’est par contre pas connu. « La vente se fera au prix du marché » a répété à plusieurs reprises le géant de l’acier.
Mais cet après-midi le ministre du Redressement Productif a confirmé à l’Assemblée Nationale qu’un repreneur est prêt à investir 400 millions d’euros à Florange. Mais encore une fois ce scénario s’appliquera si ArcelorMittal décide de céder tout son site. Au cas contraire, le scénario de nationalisation temporaire qui selon nos informations pourrait coûter jusqu’à 200 millions d’euros est toujours envisagé.
La nationalisation temporaire de Florange a été une nouvelle fois rappelée hier à Mittal par le chef de l’Etat lors d’un rapide rendez-vous. Ce mercredi matin, le ministre du Travail Michel Sapin a une nouvelle fois assuré sur BFMTV/RMC que l'hypothèse d'une nationalisation partielle « restait sur la table ». Selon lui, une solution pour l’avenir du site de Florange doit être proposée d’ici vendredi par le P-DG du groupe. Dans le même temps, une soixantaine de salariés et de syndicalistes de Florange se rendent mercredi après-midi à Paris pour manifester devant l’Assemblée Nationale. Une question sur l’avenir de Florange sera posée à Arnaud Montebourg par un député PS de Moselle puis les syndicats seront reçus par le ministre pour faire un point. Enfin les discussions entre l’Etat et Mittal devraient se poursuivre jusqu’à samedi selon l’Elysée et l’entreprise.
Pourquoi nationaliser n’est pas simple
Si Mittal refuse de céder tout le site de Florange à l’un des deux repreneurs (selon Montebourg) intéressés, la dernière issue serait la nationalisation afin de sauver les 629 emplois des hauts-fourneaux sur les 2 500 au total. Mais cette option pourrait coûter cher et être compliquée à mettre en place. Il faut d’abord que le gouvernement fasse voter une loi à l’Assemblée Nationale en faveur de la nationalisation. Le texte est prêt du côté de l’Elysée assure-t-on dans l’entourage de François Hollande. Il s’était déjà engagé durant la campagne présidentielle à faire adopter un texte de loi pour obliger un industriel abandonnant un site rentable à le céder. La nationalisation « s’assoit » sur le fondement de propriété privée inscrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme et la Constitution. Mais ce fondement de propriété privé n’a pas le dernier mot. Il y a en effet des « limitations exigées par l’intérêt général », notamment s’agissant de « faire face à la crise économique, de promouvoir la croissance et de combattre le chômage ».
Le site métallurgique de Florange est inscrit au greffe du tribunal de commerce de Nancy. Comme tel, l'Etat peut le reprendre sans l'aval de son propriétaire moyennant indemnisation, en attendant de pouvoir ensuite le céder dans les conditions souhaitées.
Mais au-delà du coût élevé pour l’Etat par rapport au nombre d’emplois directs (629 à Florange contre 8 000 postes pour PSA par exemple), de la difficulté juridique et législative, la nationalisation du site mosellan peut-il avoir des conséquences négatives sur l’image de la France ? En effet, cette nationalisation renvoie à la nostalgie des années 80 lorsque de grandes banques et des groupes industriels étaient tombés dans le giron de l’Etat. En 2012, ce signal d’une nationalisation pourrait-il rebuter les investisseurs étrangers de venir faire affaire en France. L’Etat qui se mêle à ce point de la stratégie des entreprises privées n’est jamais un bon signe aux Etats-Unis, en Chine ou au Royaume-Uni. « Ils ont confiance en notre politique économique », expliquait hier le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, après avoir reçu un groupe d’investisseurs anglo-saxons. Pourtant, suite aux propos de Montebourg à charge contre Mittal, les indiens se sont dressés contre la France taxant les français de « racistes » et vivant « dans le passé ». Le maire de Londres, où vit le P-DG d’ArcelorMittal a même déjà invité les entreprises indiennes à investir en Angleterre plutôt qu’en France.
Enfin, même si l’option de la nationalisation paraît complexe, il a montré par le passé ses effets positifs sur les entreprises concernées. Aux Etats-Unis par exemple, Général Motors a été nationalisé par le gouvernement fédéral en pleine crise u secteur automobile. L’opération a été un succès mais a coûté une fortune à l’Etat. En France aussi, la puissance publique a opéré dernièrement pour sauver une boîte. Les hauts-fourneaux de Florange pourraient s’appuyer sur l’exemple d'Alstom en grande difficultés qui, en 2003/2004, sera recapitalisé par l'Etat à hauteur de 300 millions d'euros. A l'époque, le ministre de l'Economie et des Finances s'appelle Nicolas Sarkozy. Depuis l’entreprise a redressé la barre. Toutefois, la nationalisation pour mettre dehors un investisseur étranger serait une première en France.
Or ici, le problème est différent. Le site de Florange n'est pas en péril. Cette volonté de vouloir rallumer les hauts-fourneaux à tout prix est grotesque et puérile. La filière à froid n'en a nul besoin. Il serait plus pertinent de s'intéresser au sort des 600 personnes qui vont perdre leur emploi et de veiller à ce que des mesures sérieuses de reclassement leur soient proposées.