Le lynx, en cours de réintroduction, pourrait faire des petits dans les Vosges
La réintroduction de lynx suisses et slovaques cet été en Allemagne, à quelques km des Vosges, donne espoir aux défenseurs du félin de le voir repeupler à terme l'est de la France. Le Jura est la seule région à comporter une population viable.
Fin juillet, Luna, Kaja et Lucky n'ont fait que quelques bonds, le cou ceint de gros colliers émetteurs, avant de disparaître dans les fourrés. Ils sont les premiers lynx à avoir posé leurs pattes dans cette zone à 40 km de la frontière française.
Au total, vingt lynx, suisses et slovaques, devraient y être introduits au cours des cinq prochaines années. Une première tentative de réintroduction du lynx dans les Vosges alsaciennes avait échoué il y a maintenant 30 ans.
Au sein de cette forêt qui forme avec les Vosges du Nord une réserve de biosphère transfrontalière de plus de 3000 km2, les responsables du Parc des Vosges du Nord espèrent que les lynx franchiront la frontière franco-allemande sans s'en rendre compte.
- "C'est le braconnage" -
Pour Pierre Athanaze, président de l'association Action Nature et auteur de l'ouvrage «Qui veut la peau du lynx ?», pas de doute: «La cause de la disparition du lynx dans les Vosges, c'est le braconnage, même si personne n'ose le dire officiellement». Un braconnage que faciliterait la tradition de la chasse à l'affût, populaire en Alsace-Moselle, qui permet, mieux que les battues, d'apercevoir les lynx. Les chasseurs se défendent, eux, de tout braconnage mais restent hostiles au principe de lâchers de lynx.
«J'ai vécu l'introduction par la force des années 1980, qui s'est révélée être un fiasco parfait, l'animal ne s'adaptant absolument pas au biotope en question», assure Gilles Kaszuk, président de la fédération du Haut-Rhin. Il estime que la présence du lynx est «incompatible avec ce que nous essayons de faire pour avoir une faune intéressante en termes de cervidés, chamois et chevreuils».
- Même combat -
Pour Gilles Moyne, du centre jurassien de protection de la faune sauvage Athénas, des études montrent même que le lynx, qui consomme environ un chevreuil par semaine, «améliore toujours qualitativement l'état des populations de proies: il fait éclater les hardes, limite les risques d'épidémies, les rend plus méfiantes et de ce fait moins exposées à d'autres facteurs de mortalité».
Les porteurs du projet de réintroduction ont misé sur la pédagogie, associant chasseurs et éleveurs via des actions de sensibilisation comme la mise en place d'un «parlement du lynx» et une étude sociologique sur la représentation du lynx chez les chasseurs.
- Un problème de plus -
Chez les éleveurs, la présence de grands prédateurs apparait comme un problème de plus dans un contexte économique difficile. «Il y a quelques années, il y avait eu 2-3 cas de bêtes tuées par un lynx et au niveau des indemnisations il n'y avait pas eu de souci. Mais faire venir les inspecteurs, c'est une perte de temps et une contrainte supplémentaire qu'on a du mal à avaler», explique Hervé Wendling, président du syndicat ovin du Bas-Rhin.
Les défenseurs de l'animal soulignent, eux, qu'un lynx peut tuer une bête mais décime rarement un troupeau comme le loup par exemple.
Malgré ces difficultés, auxquelles s'ajoutent les piètres qualités de colonisateur du lynx, ses partisans espèrent que les animaux réintroduits feront la jonction avec les lynx du Jura, ce qui apporterait de la diversité génétique à leur population.
Le Jura est la seule zone en France à compter une population de lynx conséquente, avec une centaine de bêtes qui ont recolonisé «naturellement» le massif à partir de la Suisse, où le lynx a été réintroduit dans les années 1970. Pour que des lynx du Jura puissent un jour croiser des lynx venus des Vosges, les défenseurs du félin plaident également pour la construction d'un écopont au-dessus de l'autoroute A4 au col de Saverne, point de jonction entre Vosges du Nord et du Sud.
(Avec AFP)
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