Attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray: le vosgien Abdel Malik Petitjean a tué le prêtre
«Le Monde» et «Mediapart» ont pu accéder à des éléments de l’enquête judiciaire portant sur l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray survenu le 26 juillet dernier. Deux jeunes terroristes s’étaient introduits dans une église de Normandie pour assassiner le prêtre Jacques Hamel.
Avant de passer à l’acte le 26 juillet au matin, plongeant de nouveau la France dans la terreur après le carnage de Nice (14 juillet), le jeune Abdel Malik Petitjean, né à Saint-Dié-des-Vosges, 19 ans a enclenché la discussion sur Chatogram, une application chiffrée dérivée de Telegram. Adel Kermiche, son futur complice, a répondu «en moins d’une minute» selon la procédure judiciaire consultée par Le Monde (article abonnés) et dont des extraits sont publiés ce mercredi 8 novembre. Les deux jeunes âgés de 19 ans ne se connaissent pas.
Les premiers messages virtuels sont échangés dans la nuit du 21 au 22 juillet à 00h49, quatre jours avant l’attaque de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). «Frère, si tu as des techniques d’action n’hésite pas et/ou des frères déter [déterminés], inshallah» écrit le jeune né dans les Vosges. L’enquête judicaire va monter que c’est lui qui va se positionner comme leader dans la préparation de l’attentat et dans le passage à l’acte. L’enquête judiciaire montre également comment sans aucune aide logistique et financière de l’Etat islamique, organisation de laquelle se sont revendiqués les deux assaillants, les deux jeunes homes ont réussi à monter un attentat sanglant. Sans véhicule, sans arme à feu, sans repérage des lieux et sans argent.
L’enquête montre également que le jeune Abdel Malek-Petitjean avait envoyé des messages qui étaient restés stockés sur l’ordinateur de la sœur aînée de ce dernier, aide-soignante. Désœuvré depuis la fin du lycée, en quête d’intérim, un peu errant, Abdel Malik Petitjean s’est arrêté chez elle durant une semaine, mi-juillet à Montluçon dans l’Allier. Dès le 19 juillet, le jeune homme né à Saint-Dié a cherché à se procurer un fusil «soldé» au prix de 280 euros sur un site internet spécialisé dans la chasse. Mais faute de budget, il a préféré les couteaux de cuisine stockés chez son complice Adele Kermiche qui habite à Saint-Etienne-du-Rouvray dans un pavillon situé à un kilomètre de l’église ciblée.
Le quotidien du soir affirme également que Rachid Kassim, 29 ans, basé dans la zone irako-syrienne, très actif sur Telegram, encourage les velléités guerrières d’Abdel Malik Petitjean sur cette application de messages cryptés où l’Etat islamique est très actif pour recruter de jeunes soldats. «Wallah perds pas de temps, je te dis perds pas de temps parce que là c’est juste un coup à se faire sauter.» «J’attends de voir tes nouvelles à la télé, hein, j’attends de voir tes nouvelles sur BFM-TV…» écrit le djihadiste français à Abdel Malik Petitjean.
- Des complicités: le cousin de Nancy a encouragé Petitjean -
C'est dans cet immeuble de la banlieue de Nancy (Meurthe-et-Moselle) que le cousin d'Abdel Malik Petitjean l'a incité à passer à l'acte. Une arme à feu et des objets de propagande de l'Etat islamique ont été retrouvés par les enquêteurs.
Par ailleurs, on apprend également dans l’enquête qu’Abdel Malek Petijean va mettre au courant son cousin qui habite dans la banlieue de Nancy (Meurthe-et-Moselle) de l’avancée du plan macabre qu’il prépare avec Kermiche. «Je te cache pas que le plan il est un peu flou (…) pour te dire (…) on attend un frère afghan qui va nous proposer des choses, il va nous proposer soit une kalach soit ils vont nous proposer une hijra [émigrer en terre de djihad]» écrit-il dans un message sur Chatogram. Ce cousin, Farid K 30 ans, a été mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. Il est soupçonné d’avoir couvert Petijean et de l’avoir même encouragé à passer à l’acte. Cet homme est aussi hyperactif dans la galaxie numérique de l’Etat islamique (EI).
Un jeune homme de 25 ans originaire de la banlieue de Toulouse va tout de même rejoindre les deux terroristes pour participer à l’attaque de l’église mais va finalement quitter le duo la veille de l’attentat pour une querelle aux motifs flous.
Selon Mediapart (article abonnés) qui revient sur l’attaque par les deux djihadistes de l’église où le père Hamel, 86 ans officiait une messe en petit comité, l’attaque a été d’une violence inouïe et d’une grande rapidité. Vers 9h25, alors que la messe se termine, un jeune homme au «regard doux», portant une veste bleue, entre dans l’église pour demander un renseignement. Une des religieuses, qui le prend pour un étudiant, lui demande de revenir après l’office. Quelques minutes plus tard, vêtu différemment, il revient accompagné d’un autre jeune homme. Il S’agira d’Abdel Malik Petitjean et Adel Karmiche. Tout de suite, les deux hommes empoignent le prêtre. Abdel Malik Petitjean va lui porter plusieurs coups de couteau tandis qu’un téléphone est tendu à un fidèle qui est forcé de filmer l’exécution de l’homme d’église. Il reçoit alors plusieurs coups de couteau violents à la gorge et au thorax, son bourreau scandant des propos à la gloire de l’État islamique, en français et en arabe.
- Neuf coups de couteau -
L'église de Saint-Etienne-du-Rouvray où s'est déroulé l'attentat du 26 juillet 2016.
Le prêtre n’a pas été égorgé par le vosgien de 19 ans mais recevra neuf coups de couteau devant les religieuses et les fidèles présents. «Va t’en démon !» hurle le prêtre avant de mourir, s’adressant aux deux terroristes. Le même Petijean va aussi attaquer le retraité contraint de filmer l’assassinat du prêtre. Il recevra plusieurs coups de couteau mais s’en sortira quelques jours plus tard. Les religieuses présentes dans la petite église normande n’ont pas été blessées ni menacées, les deux hommes comptant sur elles pour faire passer leur message de propagande auprès des médias. «Il (Abdel Malek Petijean, NDLR) m’a dit, lorsque je passerais à la télévision, de dire : +tant qu’il y aura des bombardements en Syrie, il y aura des attentats, même tous les jours+» a expliqué sœur Jacqueline dans un procès verbal lors d’une audition.
Les deux terroristes sont finalement abattus par les équipes du RAID lors de l’assaut de l’église. Avec des explosifs factices, ils foncent sur la colonne de policiers d’élite qui n’ont pas hésité à des tirs nourris pour arrêter le projet kamikaze d’Abdel Malek Petijean et Adel Kermich.
1 Commentaire