Affaire Bedos/ Morano : l’humoriste saisit le Conseil Constitutionnel
La Cour d’appel de Nancy (Meurthe-et-Moselle) devait se prononcer se mardi sur l’affaire opposant Nadine Morano et Guy Bedos. Le parquet avait fait appel de la relaxe de l’humoriste qui avait qualifié l’élue de Lorraine de «connasse». Bedos a déposé une Question prioritaire de constitutionnalité.
La Cour d’appel a mis son jugement en délibéré au 8 décembre prochain dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) des avocats de Guy Bedos. L’humoriste conteste ainsi le fondement de la plainte de Nadine Morano qui avait attaqué M. Bedos pour injure à l’égard d’un corps constitué en qualité d’élue. En déposant cette QPC, Guy Bedos veut confirmer que lors de son spectacle à Toul en 2013, il n’injuriait pas Nadine Morano mais que sur scène il fait rire son public en se moquant régulièrement des personnalités politiques même avec le qualificatif +conasse+.
Les avocats de l'humoriste, estimant que celui-ci était privé du moyen de défense qu'est «l'excuse de provocation», du fait qu'il s'était adressé à une personne dépositaire d'un mandat public, ont soulevé une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC). «Le texte sur lequel Mme Morano a fondé sa plainte ne prévoit pas de moyen de défense», a expliqué Me Benjamin Domange.
Les avocats de Guy Bedos comptent sur une QPC
La députée européenne qui était présente à l’audience ce mardi après-midi a dénoncé devant les journalistes une Question prioritaire de constitutionnalité «scandaleuse» qui vise à «empêcher la justice de se prononcer sur le fond». Nadine Morano assure qu’un humoriste en France «n’a pas tous les droits». «Caricaturer oui, se moquer oui mais pas injurier» a confié Mme Morano à LORACTU.fr en marge de l’audience.
«Les humoristes ne peuvent pas tout dire et les élus subir, c’est extrêmement grave ! Il n’y a plus d’autorité dans notre pays» a dénoncé l’élue des Républicains. «Il veut démontrer qu’il peut insulter une élue de +salope+, de +conne+ ou de +conasse+ parce que ça fait 10 ans qu’il le fait ? Mais où va le monde !» s’est étranglée la députée européenne, affirmant «rire régulièrement des sketchs d’autres humoristes comme Laurent Gerra». «Oui, même quand il me caricature dans une niche pour me comparer à un toutou qui soutenait Sarkozy (…)» confie-t-elle.
Selon elle, M. Bedos «dépasse les bornes» et qu’il veut permettre «d’ouvrir le droit d’injurier n’importe qui que l’on soit policier, gendarme ou élu de la République». «En tant que femme c’est doublement scandaleux. Quand on dit +connard+ à un homme, ça n’a pas la même portée que +connasse+ ou +salope+ à une femme» s’insurge la candidate aux primaires des Républicains. «J’airai jusqu’au bout dans cette affaire» a répété celle qui a été au cœur de la polémique pendant trois semaines pour l’affaire de la «race blanche».
Guy Bedos veut ouvrir le droit d’injurier les élus
Le 14 septembre, Guy Bedos, 81 ans, poursuivi pour avoir proféré des injures à l'encontre de l'ex-ministre lors d'un spectacle à Toul (Meurthe-et-Moselle) en octobre 2013, avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Nancy. Mme Morano avait annoncé le jour même sa décision de faire appel de ce jugement. Le parquet avait interjeté appel de la relaxe de
l'humoriste le 20 septembre.
«Dans le cas d'injures entre particuliers, l'excuse de provocation permet de répondre à l'injure par l'injure. C'est une forme de légitime défense orale», a expliqué mardi Me Domange, soulignant que la loi ne la prévoit pas lorsque l'injure est proférée à l'encontre d'une personne publique. «La loi établit un privilège entre les individus», a-t-il dit.
«Cette QPC est totalement dénuée d'intérêt et de sérieux», a estimé le conseil de Mme Morano, Me Alain Behr, ajoutant que «certaines différences de traitement étaient autorisées par la loi dès lors qu'elles servaient à protéger un intérêt légitime».
La cour d'appel de Nancy a considéré que la question devait être posée et a renvoyé l'audience d'appel sur le fond au 8 décembre. Lors de l'audience de septembre, l'humoriste, poursuivi pour "injure publique", encourait 12.000 euros d'amende mais avait été relaxé. Guy Bedos avait récusé toute misogynie, tandis que l'élue l'avait accusé de lui vouer
une "animosité personnelle".
(Avec AFP)
2Commentaires