INTERVIEW. Charline Vanhoenacker : "Nicolas Sarkozy est dangereux pour la France"
Charline Vanhoenacker confirme dans une interview exclusive accordée à LORACTU.fr sa participation dès jeudi à la nouvelle émission politique de France 2. Après une chronique acide sur son futur «patron» à France Télévisions, la journaliste charge violemment Nicolas Sarkozy.
Vous avez taclé France 2 et son directeur de l’information, Michel Field, accusés de vouloir censurer un reportage d’Envoyé Spécial consacré à l’affaire Bygmalion et Nicolas Sarkozy. Jusqu’où peut aller votre liberté alors que vous allez participer à une nouvelle émission sur le service public ?
Ma liberté n’a pas de limites tant que France Inter ne m’en donne pas. La bonne nouvelle en sortant de cette expérience c’est que France Inter m’a laissé faire et France 2 aussi. Je suis rassurée car j’ai toujours la dent dure contre la télévision. J’ai toujours été persuadée qu’il y a moins de libertés. Pour l’instant, ça commence bien car France 2 m’a répondu : «tu es libre». Ce n’est pas Michel Field qui m’a répondu – je n’ai pas eu de contact avec lui – mais à la rédaction c’est ce qu’on m’a répondu.
Vous considérez qu’il y a moins de libertés à la télévision, pourquoi ?
Il y a moins de libertés à la télévision car il y a plus d’enjeux financiers. A France Inter par exemple, c’est un public plutôt éclairé et qui n’est pas très proche des idées d’extrême droite. La télévision ça fédère beaucoup plus de public: on nous demande de ne pas heurter, diviser, segmenter. Mais sur le service public, j’ai encore cette liberté là. Par rapport à l’expérience Canal+ où j’ai été black-listée du jour au lendemain, France 2 nous donne une bonne leçon.
A Canal+, vous considérez donc avoir été censurée par Vincent Bolloré…
Ils ne m’ont pas rappelé. Beaucoup de collaborateurs (en interne) me l’ont dit. Je devais revenir pour signer un contrat mais on ne m’a jamais rappelé. En interne, on m’a dit que c’était mort à cause de ma chronique (sur Vincent Bolloré, le Grand-Journal, etc., NDLR). A France 2, l’idée c’est qu’il n’y a pas de projets extérieurs qui doivent entraver ma liberté d’expression. Avec cette chronique sur l’affaire Envoyé Spécial, je savais que je mettais en péril ma collaboration mais c’était un sujet de prédilection de toute façon. Même sans être engagée à France 2, je l’aurai fait cette chronique. Je me suis dit : je dois le faire ! Quitte à me faire virer de France 2 avant même d’avoir commencé, tant pis !
"Le retour de Sarkozy m'inquiète"
A force d’expériences, les hommes de pouvoir sont-ils particulièrement susceptibles ?
Tout le monde est susceptible et pas d’avantage les hommes de pouvoir. Ils sont plus habitués que nous aux critiques et donc ça leur glisse dessus, ils ont le cuir épais. Nous ne sommes pas dans ce monde de requins. Par exemple quand je tape sur les cathos, sur les féministes, sur ceux qui ont les cheveux blonds… ils m’en veulent bien plus.
Malgré cette chronique acide et la crise interne à France Télévisions autour des pressions supposées de Nicolas Sarkozy, me confirmez-vous votre présence dans l’équipe de la nouvelle émission politique de France 2 ?
Après ma chronique, j’ai reçu un SMS de la rédaction de France 2 qui me disait : «à lundi» pour notre réunion. Donc cela me semble confirmé.
Nicolas Sarkozy est le premier invité de cette émission. Vous allez être en face de lui. Que doit-on attendre de votre chronique ?
Une petite dose d’impertinence. Je veux mettre d’autres mots sur ce qu’on aura entendu durant l’émission, sous couvert de l’humour je vais pouvoir me le permettre. Je vais faire une chronique face à lui sur son attitude, ses mots, sur l’émission. Je vais être aussi acide que sur France Inter, sinon ça ne sert à rien d’y aller (rires) !
Vous serez face à un invité qui a écrit dans son livre (Tout pour la France, NDLR) qu’il n’aimait pas beaucoup la dérision dans les médias…
Dommage pour lui ! (rires) Ca lui fera un peu mal au cul mais ça ne durera que deux ou trois minutes, ce n’est pas grave…
"A France 2, la rédaction m'assure de ma liberté"
Tous les jours vous conduisez l’émission «Si tu écoutes, j’annule tout» en plus de votre chronique matinale. Vous êtes plutôt chef de bande l’après-midi ou plutôt poil à gratter lors de votre chronique ?
Il est difficile de choisir, de révéler une préférence. J’aime les deux. Je me suis interrogée cet été car j’ai une proposition troublante pour la télévision (On n’est pas couché, NDLR) et cela m’aurait obligé à abandonner l’un des deux rendez-vous. Il y a l’exercice solitaire qui me ressemble. C’est un exercice solitaire. Celui avec la bande l’après-midi, c’est aussi moi. C’est différent. Je suis incapable de choisir.
Doit-on s’attendre à vous retrouver à la télévision en plus de l’émission politique de France 2 ?
Je n’aime pas particulièrement la télévision. Si j’ai accepté l’émission politique c’est parce que face à aux principaux candidats à la présidentielle avoir trois minutes d’humour c’est un beau défi. Mais la télévision c’est has-been. Franchement, c’est aseptisé, c’est mis en scène, c’est convenu. Il n’y a plus rien d’innovant à la télévision, plus rien d’impertinent. Il faut aller sur le web pour avoir du contenu qui sort de l’ordinaire. Les directions des chaînes sont frileuses pour tester des nouveautés. Il faut que l’argent rentre. La télévision prend un peu les gens pour des cons. Notre émission de radio par exemple n’est pas du tout adaptable en télévision. On a une liberté de ton qui y est strictement impossible.
Vous aviez moqué Nicolas Sarkozy, «directeur des programmes» de Radio France face à lui lors d’une chronique. Que vous inspire son retour en politique après sa défaite en 2012 ?
Son retour m’inquiète pour la France. Je ne suis pas inquiet pour moi mais pour les Français. Il est dangereux pour le pays parce qu’il légifère à l’impulsion, il divise énormément les Français, il met l’identité en thème central alors que c’est irresponsable de le mettre au cœur de la campagne. Il y a d’autres priorités : le chômage ou encore l’illettrisme. A vouloir chasser sur les terres du Front national, on est dangereux. Je le trouvais déjà dangereux avant 2007. Il le sera encore plus den 2017 car il aura les mains libres en revenant au pouvoir après un creux en 2012. Donc il va lâcher les chevaux…
" Je n'aime pas la télévision, c'est has-been"
Certains de ses détracteurs l’accusent de vouloir échapper à la justice…
Non, vous croyez ?! Putain, les gens sont dingues (rire ironique). C’est terrible, les gens ne sont pas reconnaissants…
Vous affectionnez aussi beaucoup Emmanuel Macron ! Vous n’êtes pas séduit par le personnage et ses propositions ?
Non, pas du tout ! C’est du flanc. Il nous fait croire qu’il est moderne alors qu’il utilise les recettes de Giscard. C’est un ancien banquier d’affaires, il a enterré sa fibre sociale. Il y a aussi une forme de lâcheté de quitter le gouvernement à quelques mois de la fin alors qu’il est là depuis 2 ans. La France est dans une situation économique compliquée. Il passe plus son temps dans les médias qu’à bosser. Il a quoi pour lui ? Nous faire croire qu’il va changer la politique ? Mais il fait la politique à la papa… C’est ça qui est drôle dans le personnage. J’aime ces personnages qui nous font croire qu’ils vont tout changer alors qu’ils n’ont aucun projet… Sur TF1 au 20H, vingt-cinq minutes… mais il ne disait pas grand-chose.
A huit mois de la présidentielle, quel est votre regard sur cette France qui va aller voter ?
Il y a un rejet des institutions. Ce qui me frappe c’est la passion des Français pour la politique malgré le rejet. Il y a une sorte, en France, de passion-répulsion. Cela m’intrigue. Le niveau du débat est pire que dans mon imagination. C’est désespérant. Le citoyen doit se retrousser les manches car il n’y a rien à attendre de ceux qui se présentent mais il faut rester intéressé et vigilant. Il y a une montée du péril FN. L’abstention est aussi une inquiétude.
Propos recueillis vendredi 9 septembre, en marge du Livre sur la Place à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
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