Procès LuxLeaks: peines plus clémentes requises en appel pour les lanceurs d'alerte
Le parquet luxembourgeois a requis lundi des peines plus clémentes pour les deux lanceurs d'alerte dans le procès en appel du scandale "LuxLeaks", qui avait mis à nu l'optimisation fiscale des multinationales dans le Grand Duché.
Pour le Français Antoine Deltour, 31 ans, le parquet a requis six mois de prison avec sursis assortis d'une amende de 1.500 euros et pour son compatriote Raphaël Halet (40 ans), une amende, au montant indéterminé. En première instance, M. Deltour avait écopé fin juin d'un an de prison avec sursis et 1.500 euros d'amende et M. Halet de neuf mois avec sursis et 1.000 euros d'amende.
"La Cour européenne des droits de l'Homme protège le lanceur d'alerte mais ne le fait pas à n'importe quel prix (?) La fin ne justifie pas les moyens", a lancé John Petry, l'avocat général, pendant son réquisitoire.
Dans une note de 106 pages remise aux parties avant le procès en appel, M. Petry avait détaillé ce qui l'avait conduit à davantage de clémence envers les accusés, notamment l'intérêt public des révélations et la bonne foi des lanceurs d'alerte. A l'audience, il a cependant expliqué que les deux anciens employés de la firme d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC) auraient pu agir sans mettre en péril la respectabilité de leur employeur et tous ses clients.
Les accusés avaient, alors qu'ils étaient employés au Luxembourg de PwC, fait fuiter près de 30.000 pages éclairant les pratiques d'optimisation fiscale de grandes multinationales établies au Grand-Duché. Ces documents confidentiels détaillaient 548 "rescrits fiscaux" - concernant plus de 350 sociétés - généreusement accordés par l'administration et négociés par PwC pour le compte de ses clients. Les faits datent de l'époque où Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, était Premier ministre du Luxembourg (1995-2013).
Pour les avocats des deux Français, qui veulent la relaxe, ces réquisitions en appel ne vont pas assez loin. "Aucune peine n'est satisfaisante. La seule décision satisfaisante, c'est l'acquittement", a déclaré William Bourdon, avocat de M. Deltour, en sortant du tribunal. "Ces réquisitions ne sont pas acceptables. M. Halet ne l'accepte pas. Il considère qu'il doit être pleinement protégé par la jurisprudence de l'UE", a renchéri son avocat, Bernard Colin.
- Deux lanceurs d'alerte lorrains mis en cause -
L'acquittement a été requis pour le troisième accusé, le journaliste français Edouard Perrin (45 ans), qui avait récupéré les documents auprès de MM. Deltour et Halet, puis les avait utilisés dans deux émissions de "Cash investigation", diffusées sur France 2 en mai 2012 et juin 2013. Il avait déjà été acquitté en première instance. M. Perrin avait coopéré avec le consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ) qui les avait publiés par la suite sur son site en novembre 2014 dans le cadre des révélations dites de Luxleaks.
Le scandale avait poussé le gouvernement luxembourgeois de Xavier Bettel à battre en retraite sur l'échange transfrontalier de documentation fiscale et avait fragilisé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, fraîchement investi. Les révélations de LuxLeaks ont par ailleurs accéléré l'adoption de normes favorisant une homogénéisation de l'imposition des firmes multinationales à travers les pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
Ce procès en appel s'était ouvert le 12 décembre. Les plaidoiries sont prévues mercredi, avant de nouvelles audiences en janvier.
(Avec AFP)
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