Procès LuxLeaks: les deux lanceurs d'alerte et le journaliste seront rejugés
Le parquet luxembourgeois a fait appel de la condamnation du lanceur d’alerte lorrain Antoine Deltour, de son collège et d’un journaliste à l’origine de révélations sur un système organisé d’optimisation fiscale au Luxembourg. Les deux lanceurs d’alerte avaient écopé de prison avec sursis.
Nouveau rebondissement dans l'affaire des lanceurs d'alerte. Le parquet luxembourgeois a décidé de faire appel des décisions rendues à la fin du mois de juin contre deux lanceurs d'alerte et un journaliste à l'origine du scandale LuxLeaks sur les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Grand-duché, a-t-on appris ce mardi auprès de l'administration judiciaire du Luxembourg. «Le parquet a fait un appel général en fin de semaine dernière», a déclaré Henri Eippers, porte-parole de la justice luxembourgeoise.
Antoine Deltour, poursuivi pour vol, divulgation de secrets d'affaires, violation de secret professionnel, blanchiment et fraude informatique, avait copié sur son disque dur des centaines de "rulings", ces accords passés entre l'administration luxembourgeoise et PwC sur le traitement fiscal futur des clients de la firme, généralement à des taux dérisoires. Ces mécanismes avaient dans un premier temps été évoqués dans l'émission "Cash investigation", diffusée en mai 2012 sur France 2, avant d'apparaître au grand jour, dans leur intégralité, en novembre 2014 sur le site du Consortium international de journalistes d'investigation, l'ICIJ (également à l'origine des "Panama Papers").
- "Fier" d’être lanceur d’alerte -
Lors du procès, Antoine Deltour, 31 ans originaire des Vosges, avait revendiqué son statut de lanceur d'alerte, se disant "fier" d'avoir fait avancer le débat fiscal en Europe. "On pouvait espérer que l'indignation suscitée aboutisse à des actions politiques concrètes", avait-il souligné. Son avocat Me William Bourdon avait évoqué dans sa plaidoirie ce vaste débat qu'avaient engendré les révélations et l'action de la Commission européenne présidée depuis fin 2014 par Jean-Claude Juncker, qui était Premier ministre du Luxembourg au moment des faits. "Juncker, grâce à Antoine Deltour, a fait de la lutte contre l'évasion fiscale l'une des priorités de la Commission", a affirmé l'avocat.
La justice luxembourgeoise a condamné cet ancien collaborateur de PwC à 12 mois de prison avec sursis, 1 500 euros d’amende et un euro de dommages et intérêts à verser à la société.
- Le journaliste avait été acquitté -
Le procureur avait requis 18 mois de prison ferme contre M. Deltour et son ex-collègue Raphaël Halet. Le procureur, "pas opposé" à ce que ces peines soit intégralement assorties d'un sursis, avait aussi demandé pendant ses réquisitions une amende, sans préciser de montant, à l'encontre du journaliste Edouard Perrin, lui aussi français, qui avait porté ces documents à la connaissance du grand public.
Durant le verdict, le tribunal a aussi précisé que M. Halet a été condamné à 9 mois de prison avec sursis et 1 000 euros d'amende. Il devra aussi verser comme son ex-collègue plus lourdement condamné 1 euro de dommages et intérêts à PwC.
De son côté le journalise Edouard Perrin, 45 ans, était poursuivi notamment pour complicité de violation du secret professionnel, avait refusé lors du procès d'être dépeint en "commanditaire" des fuites ou en "voleur", mettant en garde à l'issue de son audition sur la possibilité que sa profession ait de plus en plus à affronter la justice.
Le journaliste français quant à lui a été acquitté.
0 Commentaire