A Epinal, acheter ses cigarettes à la supérette est une réalité
Une supérette d’Epinal (Vosges), installée dans le hall d’accueil de la gare SNCF de la ville, vend des cigarettes. Un cas rare en France qui a été autorisé par la préfecture et qui inquiète les buralistes déjà fortement menacés par la concurrence internationale et internet.
Il est possible d’acheter des cigarettes dans des bars, des épiceries de nuit, des discothèques, des stations essence, des restaurants voire des hôtels… et à Epinal dans une supérette alimentaire de proximité. Une trentaine de buralistes ont manifesté lundi contre la récente ouverture, dans la gare de cette ville, d'une supérette du groupe Monoprix qui vend aussi du tabac, une situation qu'ils dénoncent comme une "concurrence déloyale" de la part de la grande distribution.
Ce magasin a succédé le 22 juillet en gare d'Epinal au Relay (distributeur de presse et de livres, qui vendait déjà du tabac, groupe Lagardère qui a le monopole). Le nouveau magasin propose des produits alimentaires et d'hygiène, ainsi que des cigarettes. "Cette intrusion d'une enseigne de la grande distribution dans la vente du tabac" constitue une "brèche" dans le monopole des buralistes, ont estimé les manifestants, venus des Vosges et du Bas-Rhin voisin. Une porte-parole du groupe Monoprix a souligné qu'il n'était pas question de "faire entrer le tabac dans la grande distribution", et que le groupe n'avait "en aucun cas créé un nouveau point de vente de tabac". "Conformément à la procédure, nous avons demandé à la préfecture et aux douanes de nous accorder l'agrément nous autorisant à vendre du tabac comme le faisait la boutique Relay, et il nous a été accordé", a expliqué cette porte-parole, Marion Denonfoux. "A chaque nouvelle demande d'agrément, la préfecture en avise la Confédération des buralistes", a-t-elle ajouté.
- La peur des ambitions de la grande distribution -
Selon Monoprix (groupe Casino), la préfecture a estimé qu'il n'y avait pas de buralistes à proximité de la gare et qu'il s'agissait donc "d'un service rendu à la population". Une version qui n’est pas du goût des buralistes. "Après la hausse des prix et l'arrivée du paquet neutre", l'ouverture de ce
point de vente sous l'enseigne Monop' station est "un coup de canif supplémentaire à la profession", s'est inquiétée la représentante de la Chambre syndicale des buralistes des Vosges, Catherine Marcel. "D'un côté, on cherche à faire diminuer la consommation de tabac, et de l'autre, on libéralise sa vente", a dénoncé Mme Marcel, observant que les buralistes n'avaient pas été avisés de cette initiative.
L'an dernier, un millier de bureaux de tabac dans toute la France ont dû mettre la clef sous la porte, et 27% du tabac consommé dans le pays provient de la vente clandestine de paquets de cigarettes en provenance du Luxembourg, selon la représentante des buralistes.
Créé en décembre 2011, le réseau Monop'station compte désormais 14 boutiques dans les gares de France. Celle de Meaux (Seine-et-Marne) a été la première à vendre du tabac en 2012. Mais toutes ne vendent pas aujourd'hui des cigarettes. A Thionville (Moselle) par exemple, l’enseigne du célèbre groupe de distribution qui s’est installée dans la gare SNCF ne vend pas de tabac. Les milliers de voyageurs qui se rendent au Luxembourg chaque jour profitent de tarifs avantageux à seulement une demi-heure de train. Par ailleurs, un Relay qui face à la supérette dans le hall de la gare vend déjà des cigarettes et du tabac aux voyageurs.
- Autorisation de vente dans les gares -
En France, la vente de cigarettes relève d'un "monopole d'Etat", confié par les douanes aux débitants de tabac. Qualifiés de "préposés de l'administration", ils sont soumis à une réglementation particulière et sont les seuls à pouvoir vendre des cigarettes. Mais une brèche a été ouverte dans ce monopole. En vertu d'un décret de 2010, il existe des "débits de tabac spéciaux", implantés dans "le domaine public concédé du secteur des transports", comme les gares ou les aéroports.
Pour la députée (PS) de Gironde, Michel Delaunay, qui lutte contre le tabac, cette idée appliquée à Epinal est une mauvaise chose. «La grande distribution fait rentrer le cheval de Troie du tabac. Voilà une manière absolument évidente de le banaliser, de faire de lui un produit du quotidien comme les bonbons à la menthe ou le shampoing. On trouve la même chose à la gare de Libourne (Gironde), mais sous l'enseigne Casino (…)» fustige-t-elle dans Le Parisien/ Aujourd’hui en France. «Le tabac doit être vendu strictement par les buralistes. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. En plus de ces situations dans les gares, il existe d'autres revendeurs qui achètent le tabac aux buralistes. Comme certaines boîtes de nuit et brasseries-restaurants. J'ai déposé un amendement pour arrêter cela. Il a été refusé» regrette la parlementaire qui assure ne pas vouloir laisser tomber son combat.
(Avec AFP)
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