En Indonésie, le bourreau chargé d’exécuter des condamnés à mort raconte son "cauchemar"
Le Français, originaire de Metz (Moselle), Serge Atlaoui, devrait être exécuté dans les «prochaines semaines» après avoir épuisé tous les recours judiciaires possibles en Indonésie. L’homme devrait être fusillé par un soldat sur un peloton d’exécution
En mars dernier, le journal britannique The Guardian est parvenu à entrer en contact avec un des soldats chargé de fusiller des condamnés à mort en Indonésie, sur l'île de Nusa Kambanga, comme le français Serge Atlaoui. Son témoignage est effroyable. Alors que la France se mobilise depuis mardi pour tenter de sauver ce soudeur originaire de Moselle, il pourrait être exécuté très rapidement dans des conditions atroces.
Il décrit un quotidien difficile, et explique que les soldats qui vivent le plus mal cette situation, ce sont ceux qui sont en contact direct avec le prisonnier : «Le pire, c'est le contact humain, le contact avec ceux qui sont sur le point de mourir.» Avant de les exécuter, le bourreau doit lier leurs mains et pieds à un poteau en forme de croix, «c'est ce moment qui les hante», explique-t-il. Il est aussi responsable de «ramasser» le corps après la mise à mort. «Le pire aspect est la sensibilité humaine, la connexion avec les personnes sur le point d’être exécutées. Le bourreau doit attacher les membres du prisonniers à une potence en forme de croix avec de la corde épaisse. Ce dernier moment d’atroce intimité est celui qui vous hante» raconte-t-il au journal anglais.
"Je suis désolé, je fais mon travail"
Les prisonniers peuvent se couvrir le visage s'ils le souhaitent et ne pas converser avec les gardes quelques minutes avant la mort. «Je les traite comme s’ils étaient un membre de ma propre famille. Je leur dis seulement : +Je suis désolé, je suis en train de faire le travail+ témoigne le bourreau. Le rôle «le plus simple», explique l'interrogé, reste celui du soldat qui tire. «Le fardeau mental est plus accablant pour les officiers prenant en charge les prisonniers que pour les officiers qui les abattent. Car ces officiers sont chargés d’aller les chercher et d’attacher leurs mains jusqu’à ce qu’ils meurent» assure le bourreau qui indique froidement que «presser la détente est la partie facile».
Les officiers qui prennent en charge les prisonniers destinés à l’exécution sont payés moins de 100$ supplémentaires en plus de leur salaire habituel. L’officier raconte avec détachement le procédé : «On arrive, on prend les armes, on tire, on attend que la mort survienne. Une fois que la détonation de l’arme a retenti, on attend 10 minutes et si le médecin confirme le décès des exécutés, on s’en va. Voilà» poursuit cet homme qui est un tueur pragmatique, éspérant tout de même qu’il sera pardonné pour ce qu’il a fait, selon le portrait dressé par The Guardian. «Si nous menons des exécutions deux ou trois fois ce n’est pas un problème, mais si nous devons le faire souvent, nous serons alors certainement sujets à des problèmes psychologiques» pense l'homme qui espère que ces condamnés à mort "reposent en paix". "Et j’espère que reposerai en paix aussi" lâche-t-il, interrogé par le journaliste. "J’espère que je n’aurai pas à faire ça souvent. Il y a environ 50 personnes condamnées à mort et ça pourrait bien être à mon tour d’être le bourreau une fois de plus… Ca ne m’enchante pas de faire ça… S’il y a d’autres soldats, je veux bien les laisser faire".
Si le cas de Serge Atlaoui mobilise l’opinion, les médias et les hommes politiques, d’autres Français sont dans le même cas dans le monde. Le quai d'Orsay avance le chiffre de huit condamnés à mort français dans le monde. Les cas de quatre d'entre eux ont été médiatisés, les autres sont restés dans l'anonymat. Michaël Legrand, condamné pour meurtre en 2001 aux Etats-Unis, ce Français de 42 ans attend toujours dans le couloir de la mort d'une prison de Louisiane que sa sentence soit mise à exécution. Cet Américain d'origine a obtenu la nationalité française après sa condamnation, et peut donc bénéficier de la protection consulaire.
Huit Français condamnés à mort dans le monde
Deux français Adil Al-Atman et Hakim Dah, ont été également condamnés à la peine capitale au Maroc en 2012 pour avoir perpétré l'attentat meurtrier de Marrakech. Mais le Maroc n'exécute plus ses condamnés à mort depuis 1993.
Un autre Français attend dans le couloir de la mort, Chan Thao Phoumy, en Chine, ce ressortissant franco-laotien a lui aussi été poursuivi et condamné pour trafic de drogue (méthamphétamines) en 2010 à la peine capitale. Jean-Marc Thivind, Thaïlande. Enfin, un alsacien qui avait déjà été condamné au début des années 1990 en France pour braquage et trafic d'héroïne attend un verdict en Thaïlande. L’homme pourrait être condamné à mort pour le meurtre d’un ressortissant allemand dans le pays.
La famille de Serge Atlaoui, un Français condamné à mort en Indonésie pour trafic de drogue et dont l'ultime recours a été rejeté mardi, a imploré François Hollande et l'Union européenne de "mettre tout en œuvre" pour le sauver. "J'appelle la présidence indonésienne à la grâce", a encore dit l'épouse de Serge Atlaoui, expliquant que son mari n'était pas encore au courant de la décision négative le concernant, et qu'elle devrait la lui annoncer lors de sa prochaine visite en prison, jeudi.
L’Indonésie condamne à mort ses trafiquants de drogue, véritable fléau pour la population
La peine de mort en Indonésie, toujours effectuée par fusillade est encourue pour meurtre mais exécutée généralement contre ceux qui ont tué plusieurs personnes. Elle est aussi exécutée pour trafic de drogue, en réaction aux plus de deux millions d'Indonésiens (sur une population de 212 millions d'habitants) qui sont considérés comme dépendants de la drogue, selon des statistiques de la police et d'ONG.
Depuis 1996, 27 personnes sont mortes fusillées après avoir été condamné par la Cour suprême. En janvier 2012, 87 prisonniers attendaient leur mise à mort dans des prisons du pays.
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