Hollande tente difficilement de convaincre que la France "va mieux" à un an de 2017
Le chef de l’Etat, à un an de la fin de son mandat a tenté tant bien que mal de convaincre que la France «va mieux» en 2016 profitant au passage pour recadrer Manuel Valls sur sa volonté d’interdire le voile à l’Université et Emmanuel Macron qui assure que les réformes sont abandonnées.
Difficile exercice d’équilibriste pendant 1H45 pour François Hollande sur France 2 tantôt face à quatre Français déçus et trois journalistes offensifs notamment Léa Salamé qui s’est montrée pugnace face au président de la République. Face aux sondages catastrophiques, aux contestations de son propre camp et une courbe du chômage qui ne s’inverse pas, François Hollande a tenté d’assurer que la France «va mieux» aujourd’hui plutôt qu’en 2012, date d’arrivée du locataire de l’Elysée.
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"Il y a plus de croissance, il y a moins d'impôts, il y a plus de compétitivité, (...) il y a plus de pouvoir d'achat pour les salariés" selon François Hollande affirmant que "ça va mieux" et entend garder son cap. "Mon cap a été de moderniser notre pays tout en protégeant le modèle social" a défendu M. Hollande assurant ne pas penser à 2017 alors que les dés sont déjà jetés à droite, au FN et aussi dans une partie de la gauche qui demande l’organisation d’une primaire. Il prendra sa décision sur une possible candidature à la prochaine présidentielle "à la fin de l’année" a-t-il promis. Bousculé par les journalistes sur les ambitions d’Emmanuel Macron, Hollande a difficilement expliqué les sorties de cadre de son ministre. "Emmanuel Macron a été mon conseiller avant que je devienne président. J’en connais le talent. Il est à sa tâche. (…) Qu’il veuille s’adresser aux Français (…), je ne vais pas l’en empêcher (…) mais il doit être dans l’équipe, sous mon autorité" a-t-il dit. A Metz (Moselle) la semaine dernière, il a dit que lancer son mouvement "c’est faire de la politique". "Je cours" avait-dit également, ironisant sur le nom de son mouvement En Marche !
- Dialogue de sourds et empathie -
Sur France 2, Hollande a répété à plusieurs reprises vouloir réformer jusqu’au bout de son quinquennat demandant à être jugé à la fin. Contredisant en direct son propre ministre Emmanuel Macron qui dit, deux heures avant l’émission depuis Londres, qu’il a été décidé "d'arrêter une partie des réformes" à la fin du quinquennat. "Je poursuivrai jusqu'au bout. Nous avons trois grandes réformes à mener. Celle du travail. Elle a été discutée et concertée. Ce n'était pas celle préparée mais j'entends et je participe au dialogue. Ce n'est pas céder à la rue ! Où est-on ? Qu'il y ait des corrections, des discussions avec les organisations syndicales, oui. C'est plus de dialogue social dans notre pays" dit Hollande à propos de la loi Travail qui mobilise les jeunes dans la rue et une partie de la gauche. Elle "ne sera pas retirée" a promis Hollande sur le sort de cette loi détricotée qui a donné naissance au mouvement de rue Nuit Debout qu’il a jugé "légitime". Face à un jeune homme se présentant comme électeur de François Hollande aux deux tours en 2012 et participant à Nuit Debout, un dialogue de sourds s’est installé, les deux parties n’étant pas d’accord sur les conditions de vie des jeunes. Meilleures, selon Hollande ou pire ou à peine meilleures d’après Marwen Belkaid.
Autre tentative d’autorité pour Hollande, le recadrage de Manuel Valls qui a donné une très longue interview dans Libération la veille de cette émission, mercredi. Parmi les propos du chef du gouvernement, sa volonté d’interdire le voile dans les Universités, demande partagée par une grande partie des Républicains et défendue par le FN. "Il n’y aura pas d’interdiction du voile à l’université. C’est un lieu de liberté", assure-t-il. Il rappelle qu’on ne peut pas avoir de prosélytisme à l’université. Sur les propos de Manuel Valls très contestés lors d’un déplacement à Munich (Allemagne) sur la politique d’accueil des réfugiés d’Angela Merkel, Hollande a eu du mal à convaincre que la France a la même position que l’Allemagne sur la question.
- Recadrage de Valls et Macron -
Lors d’un sommet franco-allemand principalement consacré à cette question la semaine dernière à Metz, Hollande avait tenté de sauver les apparences alors qu’au fond l’Allemagne a accueilli massivement des migrants tandis que la France s’est montrée plus timide. "Avec Mme Merkel, nous avons une position identique" sur les migrants, assure Hollande. Il rappelle que la Turquie accueille plus de 2 millions de réfugiés, et qu'on ne peut donc pas la laisser de côté dans le processus de gestion des migrants et de lutte contre les passeurs. La journaliste Léa Salamé a demandé à M. Hollande si sa réponse était une "plaisanterie", sous-entendant que la position franco-allemande n'était pas la même sur ce sujet.
Sur l’immigration, il a tenté d’amener vers lui Antoine Demeyer, électeur FN qui habite dans le Nord de la France, ex-électeur de gauche. Déçu par la droite et la gauche, il a assuré que son vote est celui de la colère, se défendant ne pas être raciste car il vote FN. "La colère, je l'entends. (...) La solution qui consisterait à fermer les frontières, à sortir de l'euro, de la mondialisation, à être un pays qui n'ait plus d'images, d'idéal, elle n'est pas bonne." Hollande se dit "responsable" de la montée du FN en France même s'il affirme que les "extrêmes progressent partout en Europe" citant la Belgique, l'Autriche ou encore l'Allemagne. Comparant le parti de Marine Le Pen à "un médecin qui peut tuer le malade". Sur Calais, il a assuré qu’il avait pour objectif de convaincre les migrants de ne pas passer au Royaume-Uni et que la France ira en Jordanie pour "sélectionner les migrants".
Interpellé par Véronique Roy, mère d’un jeune français mort en Syrie, François Hollande - en se montrant empathique et à l'écoute - a rappelé que 170 Français partis faire le djihad avaient trouvé la mort, et 600 Français en Syrie, dont un tiers de jeunes filles. Pour traiter les racines, "nous devons lutter contre ces prêcheurs, ces partisans de la haine qui induisent la radicalisation", a-t-il martelé. "Nous avons expulsé 80 prêcheurs de haine".
À propos de la modération insuffisante des contenus djihadistes sur Youtube, Facebook ou Twitter, François Hollande a rappelé que cette lutte devait être internationale et que la France y veillait de très près. "Pour François Hollande, "la France a été exemplaire dans le dossier syrien" car en n’intervenant pas militairement après l’utilisation de l’arme chimique par Bachar Al-Assad, elle a permis "qu’il y ait aujourd’hui une négociation politique" avec Damas. "Ce que nous faisons avec la Russie, c’est de chercher une solution politique." "On devrait tous considérer que c’est la France qui a eu raison de 2012 jusqu’à aujourd’hui", ajoute-t-il.
- L'émission d'un président préparant sa campagne" -
Sur le dossier économique face à une chef d’entreprise d’une start-up du web, M. Hollande s’est montré déconnecté et brouillon. Déchiré entre sa volonté de montrer qu’il modernise le pays en préservant le modèle social ou faire des réformes plus tranchées défendues au fond par M. M Valls et Macron, le chef de l’Etat a été déstabilisé par Anne-Laure Constanza tentant de décrocher coûte que coûte des réponses concrètes. "L'Etat doit faire l'effort de baisser les charges", lui a répondu le président. Il rappelle l'objectif de former 500.000 personnes pour lever le 2e frein: le manque de personnel qualifié. François Hollande, rappelle enfin que le "choc de simplification" a aidé les entreprises à exporter. "Aujourd'hui, j'ai des freins qui m'empêchent de grandir et qui m'empêchent de créer. (...) Comment vous allez faire pour nous redonner confiance et de faire que recruter ne soit plus un risque en France ?". "Ce que je cherche c’est l’équilibre", assure le président, alors que Léa Salamé l'interroge sur les mécontentements des salariés, des jeunes et de certaines organisations patronales, notamment le Medef et la CGPME (petites et moyennes entreprises). "J’ai besoin de CDD" assure la chef d’entreprise agacée, tirant à boulet rouge contre leur future taxation, alors qu’Hollande répétait vouloir des Français embauchés en CDI.
Sur France 2 ce soir, c’est l’émission d’un président préparant sa campagne dans un pays où l’opinion ne soutient plus le chef de l’Etat. Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 87% des Français jugent le bilan de François Hollande négatif.
Nicolas ZAUGRA, Rédacteur en chef
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