La période estivale marquée par un vif débat sur la place du burkini en France
Les vacances estivales sont marquées cette année par un vif débat en France sur le port du burkini, un maillot de bain cachant une grande partie du corps des femmes. Certains maires de droite ont interdit son port sur leurs plages tandis que le gouvernement veut aussi le combattre.
Au cœur de l’été, en plein week-end de la mi-août, la France s’écharpe et se déchire autour du burkini, ce maillot de bain porté par des femmes musulmanes qui cache une large partie du corps et de la tête. Le débat a pris une ampleur internationale après que le tribunal administratif de Nice a donné raison à la Mairie de Cannes, samedi 13 août, qui a interdit le port du burkini sur les plages de la ville. Le tribunal a rejeté un recours du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et de trois particuliers. Ces derniers ont annoncé qu’ils allaient faire appel au plus vite en portant cette affaire hautement polémique devant le Conseil d’Etat.
Le maire (Les Républicains) de la célèbre station balnéaire a été le premier en France à interdire ce maillot de bain très prisé dans les pays arabes tandis que d’autres élus locaux ont suivi le mouvement dans le sud, en Corse et dans le nord. Interrogé par Nice Matin, le maire de Cannes, David Lisnard, a précisé sa démarche : «J’ai pris cet arrêté parmi tant d’autres pour assurer la sécurité de ma ville dans un contexte d’état d’urgence. (…) On n’interdit pas le voile, ni la kippa, ni les croix, j’interdis simplement un uniforme qui est le symbole de l’extrémisme islamiste». Cette interdiction intervient alors que la classe politique s’est récemment déchirée sur l’organisation d’un rassemblement privé dans un parc aquatique de la région de Marseille, où les femmes étaient invitées à porter le burkini en l’absence d’hommes. L’événement organisé par une association musulmane avait fini par être annulé devant la polémique allumée notamment par le Front national et la droite.
- Le gouvernement français s'oppose au burkini -
Le maire (LR) du Touquet va aussi interdire ce vêtement sur ses plages par arrêté. «Il n'y a pas de burkini pour le moment au Touquet», reconnaît pourtant le député-maire Les Républicains de la commune, Daniel Fasquelle. Qu'importe : «Je ne veux pas que mes services soient pris au dépourvu si jamais nous étions touchés par ce phénomène» explique-t-il pour justifier cet arrêté municipal qui n'a pas encore été pris. La mairie de Villeneuve-Loubet a également publié un arrêté tandis que la ville de Sisco en Corse en a fait de même en réaction à de vives échauffourées entre habitants. Des corses et des magrébins de la commune en sont venus aux mains ce week-end du 15 août tandis que des jeunes prenaient en photo des femmes portant le burkini sur la plage de la commune.
Le gouvernement a aussi officiellement déclaré la guerre au burkini. Laurence Rossignol, ministre des Droits des femmes, a qualifié lundi le burkini de "profondément archaïque", mais a appelé à le combattre "sans arrière-pensées", dénonçant "la droite dure" qui "veut faire de l'islam le sujet des mois à venir". Cette tenue de bain qui couvre tout le corps n'est "pas juste une nouvelle gamme de maillots de bain", mais "un projet de société", a estimé Mme Rossignol sur Europe 1. "Le burkini a un sens. Ce sens, c'est de dissimuler, cacher le corps des femmes pour cacher les femmes, et la place que ça accorde aux femmes est une place que je combats, que d'autres avant moi ont combattue, et il a quelque chose de profondément archaïque", a-t-elle martelé. Mais "pour combattre cet archaïsme, il faut des personnalités politiques de sang-froid et sans arrière-pensées", a-t-elle prévenu. "Or, ce que j'observe depuis un moment, c'est qu'il y a des arrière-pensées", notamment "pour une partie de la droite dure, celle qui flirte avec le Front national et qui veut faire de l'islam le sujet des mois à venir".
De nombreux responsables politiques se sont exprimés contre ce burkini. De Florian Philippot (FN) à Hervé Mariton (Les Républicains), à Nadine Morano (LR), Nicolas Dupont-Aignann (Debout la France), Eric Ciotti (LR), ils ont exprimé leur agacement face au port du burkini sur les plages françaises. La députée européenne du Grand-Est, Mme Morano, a même lancé une pétition sur internet pour demander une généralisation de l’interdiction dans tout le pays, comme c’est le cas par exemple pour le voile intégral.
- La presse internationale ne comprend pas les interdictions -
Mais ce vif débat en France et la demande la dénonciation de ce vêtement de plage dans la classe politique – gouvernement y compris – est incompris à l’étranger. Ainsi, la presse internationale s’étonne de la réaction des politiques. Dans son édition internationale, samedi, le New York Times affichait en une: «La France désigne la dernière menace pour sa sécurité : le burkini» ironise le célèbre quotidien américain. aux Jeux olympiques de Rio, plusieurs femmes musulmanes ont participé à des épreuves avec des vêtements qui couvrent leurs cheveux et leur cou. Des maillots de bain couvrant le visage, portés par des baigneurs inquiets d’une exposition trop forte au soleil, ont également été repérés en Chine et dans d’autres endroits» écrit dans ses colonnes le NYT.
«La polémique du burkini arrive sur les plages espagnoles» selon le quotidien El Pais. D’après lui, « la récente interdiction du burkini sur les plages françaises de Cannes et Sisco a rouvert le débat sur le port du voile dans les lieux publics». En Italie, la presse ne comprend pas la réaction de ses voisins français, affirmant que le burkini ne pose aucun problème sur ses plages de la côte est par exemple, selon La Nuova di Venezia.
Au Royaume-Uni, la presse britannique tire à boulet rouge contre la France. Le Guardian dresse ainsi «cinq raisons de porter un burkini – et pas seulement pour embêter les Français». Le Telegraph, pourtant quotidien conservateur outre-Manche, assure que «les vrais ennemis de la liberté ne sont pas les femmes qui portent des burkinis, mais les politiques qui veulent les interdire». La BBC prévient avec ironie que les autorités françaises « devront distinguer les nageurs en burkini et ceux en combinaison de plongée».
- 4 femmes déjà verbalisées sur les plages de Cannes -
Pour l’instant, en vacances, François Hollande et Manuel Valls ne se sont pas encore emparés de la question laissant le soin à la ministre du Droit des Femmes de réagir en plein cœur de la période estivale. Jean-Pierre Chevènement, ex-ministre de l’Intérieur de gauche et pressenti pour prendre la tête de la fondation pour l’islam de France s’est dit ce mardi partagé entre interdiction et liberté. Il s'est dit favorable à une "liberté" de tenues à la plage, mais estimé que les maires sont "fondés" à interdire le burkini en cas de "nécessité d'ordre public".
La mairie de Cannes a confirmé mardi 16 août que 10 femmes avaient déjà été contrôlées depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté anti-burkini sur les plages de la ville le 28 juillet dernier. Parmi elles, six ont dû quitter la plage ou changer de tenue, quatre ont été verbalisées et ont écopé d'une amende de 38 euros.
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