Les régions gagnent en indépendance (fiscale) dans l’attente de plus de pouvoirs
Manuel Valls a confirmé jeudi aux présidents de régions qu’elles gagneront en indépendance fiscale alors qu’elles bénéficient de plus de compétences notamment économiques. Une première victoire pour Philippe Richert qui n’entend pas s’arrêter là pour défendre la puissance des régions.
Elles ont seulement neuf mois mais veulent déjà s’émanciper d’avantage de l’Etat qui a engagé la très controversée réforme territoriale. Les régions dont 7 nouvelles méga-régions issues de fusions entendent gagner en pouvoirs mais aussi en moyens budgétaires pour mener à bien leur mission centrale dans le développement économique et des territoires. Telle est l’ambition affichée par le président des régions de France et du Grand-Est, Philippe Richert (Les Républicains).
A Reims (Marne), habitué aux sacrements historiques, Manuel Valls a clairement acté le sacre des régions en leur prêtant toute son attention à sept mois de la présidentielle. Cédant aux demandes de l’ARF et de la pression de M. Richert qui a multiplié les rendez-vous à Matignon et dans les cabinets ministériels, il a toutefois rappelé aux présidents de droite qu’il avait contribué à leur élection en décembre dernier lors des élections régionales. Face au risque de voir triompher le FN dans les Hauts-de-France, en PACA et dans le Grand-Est, Valls avait appelé les socialistes à porter leur choix sur les candidats LR. «Je ne regretterai jamais ce choix» a défendu le chef du gouvernement à la tribune jeudi. Une occasion de rappeler aux présidents de droite très gourmands en gestes du gouvernement ce qu’il leur doit.
«Vos collectivités ne devront plus dépendre d’une dotation d’Etat, A compter du 1er janvier 2018, les régions n’auront plus de dotation globale de fonctionnement, cette DGF étant remplacée par une fraction de TVA dont l’effet dynamique garantira et pérennisera vos moyens d’action». A Reims ce jeudi 29 septembre, M. Valls a détaillé l’étape historique de décentralisation décidée par le gouvernement en accord avec l’ARF (Assemblée des Régions de France) qui y tenait son congrès, neuf mois après la naissance des nouvelles méga-régions.
- Fin des dotations de l'Etat, place à la TVA -
Cette nouvelle donne, le transfert de recettes de TVA, s’élèvera à 3,85 milliards d’euros (sur un total de 33 milliards de recettes de TVA annuelles) et remplacera la dotation globale de fonctionnement (DGF) plus couramment appelée «dotations de l’Etat». Il tiendra compte, a précisé le premier ministre, des dépenses supplémentaires engagées par les régions au titre du développement économique. Pour les régions, qui sont les seules collectivités à ne pas disposer d’une fiscalité autonome, hormis les cartes grises, c’est une révolution. Le renforcement de leur autonomie financière marque, comme l’a fait remarquer le chef du gouvernement, «un nouveau chapitre de la décentralisation».
Manuel Valls, premier ministre lors de son discours au congrès de l'ARF jeudi 29 septembre 2016 à Reims (Marne).
«Dès cette année, la loi de finance 2017 mettra en place un dispositif transitoire, un fonds d'action pour soutenir les actions économiques» des régions «dans la limite de 450 millions d'euros» a expliqué le premier ministre qui a également participé aux dîners des présidents de région à Reims mercredi soir avant d’ouvrir le congrès de l’ARF ce jeudi matin après une allocution de Philippe Richert. Le puissant président des régions de France et du Grand-Est (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine) avait engagé d’âpres négociations avec Matignon il y a six mois pour obtenir d’avantage de l’Etat.
«En renforçant l'autonomie des régions, nous écrivons ensemble un nouveau chapitre de la décentralisation» a assuré Manuel Valls face à des présidents de région majoritairement de droite impatients d’attendre des gestes du gouvernement après le psychodrame des fusions controversées et des régionales de 2015 où le Front national a menacé d’emporter jusqu’à 3 régions dont le Grand-Est.
- Les présidents de droite en demandent plus, la gauche satisfaite -
Philippe Richert a confié sa satisfaction en marge du discours de M. Valls, assurant que cette fin des dotations de l’Etat est une «révolution». Le transfert des recettes dynamiques de la TVA est un changement «pragmatique» qui va «dans le bon sens» selon le président de l’ARF. Outre le développement économique, compétence jusque-là assurée par les départements et transférée en 2017 aux départements, les transports scolaires et interurbains seront aussi gérés par les régions. M. Richert de son côté ne cache pas sa volonté d’obtenir des compétences supplémentaires de la part de l’Etat notamment le transfert de la gestion des routes nationales ou encore la possibilité d’instaurer une écotaxe régionale pour financer les chantiers d’infrastructures.
Si M. Richert assure que les annonces de Valls vont dans le bon sens, ses homologues de droite les jugent insuffisantes. Les présidents de régions Les Républicains jugent vendredi "insuffisantes" les propositions de Manuel Valls sur le financement des régions, que leurs homologues socialistes saluent au contraire comme "historiques". Ces réponses "vont dans le bon sens", mais "ne répondent pas" au "risque réel d'effondrement des aides aux entreprises dès le 1er janvier prochain", écrivent six présidents LR de Conseils régionaux dans un communiqué. Ils exigent du gouvernement "la mise en oeuvre dès le 1er janvier 2017 du transfert de la TVA pour financer à la fois la dotation globale de fonctionnement versée aux régions en 2016 et la compensation à hauteur de 800 millions d'euros des dépenses économiques des départements qui leur ont été transférées". Les cinq présidents socialistes de Conseil régionaux ont à l'inverse salué le choix de Manuel Valls de donner plus d'autonomie fiscale aux régions comme "une décision historique pour la décentralisation dans notre pays".
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