La France va être condamnée pour ne pas avoir interdit gifles et fessées

L'Europe va sanctionner la France qui autorise la fessée sur les enfants. Pour le conseil européen, vise "l'absence d'interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels envers les enfants".
Le débat sur la fessée pourrait être relancé en France, le Conseil de l'Europe devant se prononcer mercredi sur une réclamation d'une ONG britannique qui reproche à la loi française de ne pas interdire totalement les châtiments corporels envers les enfants. L'association pour la protection des enfants Approach allègue que la France viole un article de la Charte sociale européenne, en raison de "l'absence d'interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels envers les enfants". Sa réclamation a été déclarée recevable en juillet dernier par le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe, organisation paneuropéenne destinée à favoriser le dialogue sur la démocratie et les droits de l'homme.
Selon Le Monde, l'Europe s'avance avant la décision officielle devant être rendue ce mercredi en affirmant que la France sera condamnée. Le Conseil européen estime, dans une décision qui doit être rendue publique mercredi 4 mars, que le droit français «ne prévoit pas d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels». De ce fait, elle viole l’article 17 de la Charte européenne des droits sociaux dont elle est signataire, qui précise que les Etats parties doivent «protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation».
À la différence d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), une décision sur une telle réclamation n'a pas de caractère contraignant, mais sa portée symbolique constitue un moyen de pression supplémentaire sur les États. Le Conseil de l'Europe incite depuis plusieurs années ses États membres à bannir les châtiments corporels infligés aux enfants. À ce jour, 27 des 47 pays membres de l'organisation ont adopté une législation en ce sens, à commencer par la Suède, élève modèle dès 1979 et chantre de la "parentalité positive", qui promeut une éducation sans punitions physiques d'aucune sorte.
Mais d'autres pays européens, dont la France, ne les ont interdites que partiellement, comme à l'école ou en milieu pénitentiaire. En mai dernier, un amendement anti-fessée avait bien été proposé par les écologistes à l'occasion du débat parlementaire sur la loi sur la famille. Mais l'amendement avait été retiré par les députés et renvoyé à un texte ultérieur.
Le "droit de correction" visé
Tout en punissant les violences faites aux enfants, le droit coutumier français tolère un "droit de correction" au sein de la famille, à condition que cette correction soit légère et qu'elle ait un but éducatif.
Les juges français jouissent ainsi d'une large liberté d'interprétation en la matière. Ce qui donne parfois lieu à des décisions polémiques, comme en octobre 2013 lorsqu'un père de famille du département de la Haute-Vienne, dans le centre-ouest de la France, avait été condamné à 500 euros d'amende pour une fessée déculottée administrée à son fils de 9 ans. L'affaire avait suscité de nombreuses réactions sur internet, la plupart estimant cette condamnation disproportionnée.
Dans sa réponse sur le fond de la réclamation d'Approach en septembre dernier, la France avait estimé que son arsenal législatif contenait déjà "les dispositions nécessaires permettant d'interdire et de sanctionner" les violences envers les enfants, et avait souligné qu'en pratique les juges condamnaient les châtiments corporels "à condition qu'ils atteignent un seuil de gravité", conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
La France notait par ailleurs qu'en réalité, l'interdiction générale de toute forme de châtiment corporel était loin de faire consensus au sein des pays membres du Conseil de l'Europe. L'article 17-1 de la Charte sociale européenne révisée en 1996, signée par 45 États membres du Conseil de l'Europe mais ratifiée par seulement 33 d'entre eux (dont la France en 1999), précise notamment qu'il convient de "protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l'exploitation".
Lors d'une précédente réclamation devant le Conseil de l'Europe en 2006, qui visait le Portugal, le Comité européen des droits sociaux avait estimé que pour se conformer à l'article 17, le droit interne des États devait contenir des dispositions "suffisamment claires, contraignantes et précises" interdisant "toute forme" de violence à l'encontre des enfants, afin de "ne pas laisser au juge la possibilité" de refuser d'appliquer ces dispositions.
Le Portugal avait réagi en interdisant tous les châtiments corporels envers les enfants en 2007. Approach avait lancé en 2013 des réclamations contre six autres pays, en plus de la France : Chypre, Belgique, Irlande, République tchèque, Slovénie et Italie. L'action contre Chypre a depuis été retirée et deux autres ont été retoquées par le Conseil de l'Europe, qui n'a pas encore statué sur les trois restantes.
(Avec AFP)
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