A Nancy, le tribunal au bord du gouffre va se déclarer en cessation de paiement
Le tribunal de Nancy (Meurthe-et-Moselle) doit faire face à de graves difficultés financières et matérielles. La cité judiciaire devient même dangereuse pour ses collaborateurs. Dans le même temps, le ministre de la Justice tire la sonnette d’alarme et Valls promet plus de moyens.
La cité judiciaire de Nancy est au bord du précipice. Le procureur de la République, Thomas Pison, est acculé par une gestion de plus en plus difficile des affaires courantes. Les salles d’audience, les bureaux, les couloirs, les escaliers ou les pièces communes sont de plus en plus vétustes. Les infiltrations d’eau sont légion et certaines parties de plafond s’effondrent parfois sur le bureau de certains collaborateurs. Une situation à peine croyable pour les personnels du tribunal qui doivent aussi faire face à de graves difficultés financières. Outre les ascenseurs et les archives du sous-sol sous l’eau, de nombreux prestataires ne sont plus payés notamment des experts judiciaires ou encore des interprètes pendant les gardes-à-vue et les auditions devant les juges.
Selon M. Pison, interrogé dans le JT de France 2, le budget du tribunal a fondu de près de 40% en seulement deux ans alors que les dossiers s’accumulent dans ses services. Le tribunal ne peut même plus payer ses factures d’électricité, de gaz ou d’eau. Le tribunal va même devoir se déclarer en cessation de paiement. Des délais de plusieurs mois pour payer certaines prestations s’ajoutent à des durées plus longues pour traiter des affaires jugées. Cinq greffiers vont d’ailleurs être recrutés en renfort sur décision de la Place Vendôme mais c’est largement insuffisant selon le patron du parquet nancéien.
- A Metz, le procureur dénonce le manque de personnel -
Du côté du parquet voisin de Metz (Moselle), la situation n’est pas plus glorieuse. Si les bâtiments sont dans un meilleur état, les moyens humains manquants sont criants. Lors de la rentrée du tribunal de Metz en janvier dernier, le procureur de la République de la ville Christian Mercuri a fustigé l’Etat. Des annonces de renforcement des effectifs «annoncés à grand renfort de communication», l’absence de véritable cabinet permettant d’appuyer els magistrats, le manque de personnels au service de greffe du tribunal..
«Je n’ai pas les moyens d’exécuter l’ensemble des missions dévolues à un parquet» s’alarme le procureur de la République de Metz, assurant que la situation est aussi tendue à Thionville et Sarreguemines en Moselle. Le pôle des mineurs est particulièrement impacté comme celui de l’économie et des affaires qui manquent cruellement de moyens, déplore le magistrat.
Les situations des tribunaux de Nancy ou Metz dans la région ne sont que les arbres qui cachent la forêt. L’interview ce dimanche de Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice dans le Journal du Dimanche (JDD) a détonné. "La justice est à bout de souffle. Le ministère n'a plus les moyens de payer ses factures" a reconnu le Garde des Sceaux, affirmant que la "justice est dans un état d’urgence absolue".
- Le ministre de la Justice reconnaît une justice "en état d'urgence absolue" -
"Je connais même un tribunal où on n'imprime plus les jugements, parce qu'il n'y a plus d'argent pour les ramettes de papier", poursuit le ministre. "Le risque existe que [la justice] se grippe." Selon lui, l'administration pénitentiaire a 36 millions d'euros de factures impayées pour des hospitalisations de détenus et la dette de l'Etat vis-à-vis des prestataires auxquels la justice fait appel – interprètes, laboratoires d'analyses ADN ou experts – s'élève à 170 millions d'euros.
Jean-Jacques Urvoas avait déjà jugé que son ministère se trouvait "en permanence au bord de l'embolie", lors de la passation de pouvoirs avec Christiane Taubira, le 27 janvier. A l'époque, il s'était engagé à obtenir des "moyens conséquents" pour son ministère, d'ici à la fin du quinquennat."Depuis que je pousse la porte des juridictions, je dis plutôt que [la justice] est sinistré[e], précise-t-il aujourd'hui, en état d'urgence absolue comme disent les médecins".
Manuel Valls a promis davantage de moyens pour la justice notamment dans le contexte terroriste que connait la France. Le Premier ministre a souligné lundi soir la nécessité pour la France d'"augmenter massivement les budgets de sécurité et de la justice, pendant sans doute des années", face à la menace terroriste. "Nous allons devoir (...) augmenter massivement les budgets de sécurité et de la justice pendant sans doute des années", a déclaré Manuel Valls lors de la clôture d'un colloque au Théâtre Dejazet à Paris sur "L'islamisme et la récupération populiste en Europe". Une référence à la menace du moment bien sûr mais aussi à l’interview polémique de son ministre de la Justice qui a tiré la sonnette d’alarme sur la justice courante du quotidien.
1 Commentaire