Affaire Vincent Lambert: nouvel épisode judiciaire à la cour d'appel de Nancy
Les juges de Nancy devront annuler ou confirmer une décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, en 2015, avait rejeté une nouvelle demande d'arrêt des soins de l'ancien infirmier quadragénaire, victime de lésions cérébrales irréversibles après un accident de la route en septembre 2008.
Les juges de Nancy devront annuler ou confirmer une décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui, en 2015, avait rejeté une nouvelle demande d'arrêt des soins de l'ancien infirmier quadragénaire, victime de lésions cérébrales irréversibles après un accident de la route en septembre 2008.
Depuis des années, ses parents, catholiques traditionalistes persuadés que leur fils n'est plus dans un état végétatif, refusent tout arrêt des soins, tandis que d'autres proches souhaitent cesser l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert. Dans cette famille déchirée et alors que la femme de Vincent Lambert est devenue officiellement sa tutrice en mars, c'est son neveu, François, qui avait saisi les juges de Châlons-en-Champagne.
Convaincu que son oncle ne souhaitait pas subir d'acharnement thérapeutique, il avait demandé au tribunal administratif d'obliger le CHU de Reims à arrêter les soins, conformément à une décision prise par le docteur Eric Kariger en janvier 2014. Cette décision de Eric Kariger avait été contestée en justice par les parents, une soeur et un demi-frère de Vincent Lambert, et le tribunal avait finalement demandé de nouvelles expertises.
Le Conseil d'Etat et la Cour européenne des droits de l'Homme avaient, eux, estimés que la continuation des soins de Vincent Lambert constituait une obstination déraisonnable. Deux avis qui laissaient penser que l'arrêt des soins allait être décidé à court terme. Mais le nouveau médecin en charge de Vincent Lambert, Daniela Simon, après avoir engagé une procédure collégiale, étape obligatoire pour un arrêt des soins, a brutalement tout arrêté, arguant de craintes pour la sécurité de l'hôpital, à la suite de menaces. C'est pour qu'elle reprenne la procédure collégiale que François Lambert a saisi les juges.
- "Il n'est plus dans un état végétatif" -
Mais le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que les médecins de Reims étaient en droit, «en vertu de leur indépendance professionnelle et morale», de maintenir le patient en vie malgré les décisions de justice précédentes.
Jeudi, si la cours d'appel de Nancy annule cette décision, alors «l'hôpital devra terminer la procédure collégiale, et prendre une nouvelle décision», explique Me Bruno Lorit, avocat de François Lambert. «Il peut aussi annuler la décision et enjoindre l'hôpital de prendre une décision en 15 jours ou 1 mois, ou encore leur imposer d'interrompre le traitement», ajoute l'avocat, conscient que la bataille est loin d'être finie.
Peu importe dans quel sens penchent les juges nancéiens, «l'hôpital ou nous pourront saisir le Conseil d'Etat». Me Jean Paillot, l'avocat des parents de Vincent Lambert, s'est dit «intimement convaincu que la cour d'appel refusera d'enjoindre au CHU un arrêt de soins».
«Pour deux raisons, déjà parce que le droit dit qu'il ne peut y avoir d'arrêt des soins sans procédure collégiale. Mais aussi parce que nous considérons que Vincent va mieux depuis janvier 2014, qu'il n'est plus dans un état végétatif».
L'affaire Vincent Lambert en dates
2008 - Septembre : Vincent Lambert est hospitalisé à Reims après un accident de la route. Il est plongé dans un coma artificiel sans avoir écrit de directives anticipées précisant son opposition à tout acharnement thérapeutique.
2011 - Juin : après une série de tests en Belgique, des médecins concluent qu'il se trouve dans un état de "conscience minimal", sans espoir d'amélioration.
2013 - 10 avril : un protocole de fin de vie est engagé par le CHU en accord avec sa femme Rachel, sans consulter explicitement ses parents. Pour les médecins, le malade multiplie des comportements d'opposition aux soins "faisant suspecter un refus de vivre".
11 mai : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ordonne le rétablissement de l'alimentation après une saisine des parents, catholiques traditionalistes opposés à l'euthanasie passive de leur fils. Ceux-ci reprochent notamment aux médecins un manque d'information à la famille.
16 septembre : Une réflexion sur la fin de vie de Vincent Lambert est conduite 4 mois durant avec l'ensemble de sa famille et quatre experts. Seul les parents plaident en faveur du maintien en vie.
2014 _ 11 janvier : le CHU informe la famille de la décision d'arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles, conformément à la loi Leonetti. Sur quatre experts, un seul a plaidé pour le maintien en vie.
13 janvier : le tribunal administratif, saisi par les parents, une sœur et un demi-frère de Vincent Lambert, se prononce contre la décision d'euthanasie passive.
16 janvier : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne se prononce contre la décision d'euthanasie passive. Il juge que "la poursuite du traitement n'était ni inutile, ni disproportionnée".
28 janvier : saisi par Rachel Lambert et le CHU, opposés au "maintien en vie artificiel", le Conseil d'Etat demande une nouvelle expertise.
6 février : le Conseil d'Etat décide de renvoyer l'affaire à une formation collégiale.
27 mai : l'expertise confirme l'incurabilité et une "dégradation" de l'état général, mais évoque avec prudence la question d'un arrêt des soins.
24 juin : le Conseil d'Etat se prononce pour l'arrêt des soins. La Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH), saisie en urgence par les parents, demande le maintien en vie, le temps de statuer sur son cas.
2015 5 juin : la CEDH juge que l'arrêt des soins ne violerait pas le droit à la vie.
7 juin : les parents demandent au CHU le transfert de leur fils vers une unité spécialisée à Strasbourg.
6 juillet : une demande des parents de révision de l'arrêt de la CEDH invoquant des "éléments nouveaux et décisifs" est rejetée.
10 juillet : le CHU de Reims annonce qu'il va engager une nouvelle procédure d'arrêt des traitements, conformément à la décision de la CEDH.
16 juillet : les parents portent plainte contre l'hôpital et les médecins.
23 juillet : les médecins annoncent à la famille qu'ils ne se prononcent pas concernant l'arrêt des soins et disent vouloir saisir le parquet pour désigner un représentant légal pour le patient.
27 août: le parquet de Reims demande au juge des tutelles la nomination d'un tuteur ou d'un curateur pour Vincent Lambert.
9 septembre : François Lambert, neveu de Vincent, demande au tribunal administratif d'obliger le CHU de Reims à arrêter les soins.
9 octobre : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejette la demande d'arrêt des traitements déposée par le neveu qui annonce qu'il va faire appel.
2016 - 10 mars : le juge des tutelles de Reims confie à Rachel Lambert la tutelle de son mari.
11 mars : les parents de Vincent Lambert font appel de la décision de justice.
26 mai : la cour d'appel du tribunal administratif de Nancy va se prononcer sur le sort de Vincent Lambert après l'appel déposé en mars par ses parents.
(Avec AFP)