A Nancy, le cabinet du maire rattrapé par les municipales est dans la tourmente
La justice a condamné la ville après l’embauche d’un conseiller au cabinet du maire, ex-candidat aux municipales de 2014, qui avait apporté son soutien à Laurent Hénart. Un groupe de citoyens, à l’origine de l’action, dénonce un «pacte illicite». Le mis en cause reste – pour l’instant – muet.
Frank-Olivier Potier, candidat au premier tour aux municipales de mars 2014 a-t-il apporté son soutien à Laurent Hénart en échange d’un poste dans son cabinet ? Telle est la question que s’est posée un groupe de citoyens et d’ex-colistiers de M. Potier qui avait réalisé – à la surprise générale – 6,17% des voix au premier tour. «Sans étiquette», le leader de la liste Nancy2014.eu avait défendu des propositions iconoclastes, «ni de gauche», «ni de droite» rappelant volontiers la colonne vertébrale défendue aujourd’hui par Emmanuel Macron. Dans l’incapacité de se qualifier pour le second tour, M. Potier avait annoncé son soutien «à titre personnel» et «sans engager ses colistiers» à la liste de Laurent Hénart, alors adjoint à la Culture sortant et promis à la défaite par deux sondages successifs.
Le 27 septembre dernier, la première chambre du Tribunal administratif (TA) de Nancy a annulé l’arrêté municipal qui actait l’embauche de Frank-Olivier Potier au sein du cabinet du maire Laurent Hénart. La justice s’est prononcée sur la méthode d’embauche et non pas sur la question du prétendu «pacte électoral» dénoncé par les ex-colistiers. Dans le même temps, elle a condamné la ville de Nancy à verser 1 500 euros de dommages-intérêts à cinq citoyens dont des anciens colistiers de Frank-Olivier Potier. Parmi-eux, Stéphanie Haxaire qui a finalement rejoint le parti de Nicolas Dupont-Aignan «Debout la France». Elle qui était aussi à ses 18 ans inscrite sur une liste portée par… André Rossinot, maire de Nancy pendant 30 ans, dénonce aujourd’hui le système «d’arrangements, de cadeaux, de connexions» entre «ces hommes et ces femmes qui se partagent le pouvoir».
- Un soutien aux municipales en échange d'un poste ? -
L'affiche de campagne de Laurent Hénart, lors des municipales de 2014.
Selon Me Nicolas Choley, l’avocat qui a représenté les ex-colistiers dans cette affaire, Frank-Olivier Potier a été embauché «en vertu d’un pacte illicite». «L’expression publique d’un soutien politique en faveur du candidat Laurent Hénart a été accordé entre les deux tours par la tête de liste M. Potier en échange de la promesse d’un poste de collaborateur de cabinet dans le cas d’une victoire du candidat Hénart à l’élection municipale» assure l’avocat. «L’accord dénoncé par les anciens colistiers viole manifestement les règles électorales et trompe la confiance (…) des électeurs» selon lui. Une opinion partagée par les cinq ex-«déçus» de la liste Nancy2014 qui s’étaient engagés aux côtés de M. Potier car il «avait assuré ne vouloir soutenir aucun candidat entre les deux tours».
La justice a dénoncé l’embauche de M. Potier qui n’a pas fait l’objet d’une délibération au conseil municipal mais d’un simple arrêté du maire. La ville s’est conformée aux règles le 26 septembre dernier lors de son conseil municipal de rentrée. «Mais, il a été acté la création de postes dont un occupé par M. Potier mais en aucun cas son embauche en tant que telle qui doit être réalisée selon l’égalité des changes» fustige Me Choley.
- La ville assure que la situation est "régularisée" -
Pour la ville, «le juge administratif a statué sur l’engagement de Monsieur Frank-Olivier Potier, agent contractuel de la Ville de Nancy, suite à une requête de ses anciens colistiers».
«Dans un cadre général, le tribunal administratif a estimé que, contrairement à ce qui se faisait depuis de nombreuses années sans aucune remarque du contrôle de légalité, la Ville devait séparer la présentation du tableau des effectifs, portant entre autre création des emplois contractuels y compris ceux du cabinet, des annexes du budget primitif voté annuellement. Cette position a été régularisée par le Conseil Municipal permettant ainsi de rendre conforme à la décision du juge administratif la situation de Monsieur Potier» s’est défendu la mairie de Nancy dans un communiqué. «Sur le fond, concernant le cas spécifique de Monsieur Potier, le juge a écarté les moyens arguant d’une distorsion entre sa qualification personnelle, les missions qui lui étaient affectées et sa rémunération» poursuit la municipalité. La délibération 73 du dernier conseil municipal porte d’ailleurs sur la situation de M. Potier mais aussi de trois autres – quatre au total – collaborateurs embauchés dans le cabinet du maire.
L'ex-canidat aux municipales et actuel conseiller du maire, Frank-Olivier Potier.
«Frank-Olivier Potier ne doit plus pouvoir travailler depuis la date du jugement, soit depuis le 27 septembre dernier. S’il continue, nous poursuivrons encore la mairie» assure l’avocat. Outre Frank-Olivier Potier qui est directement visé, ce groupe d’ex-colistiers s’intéresse aussi de près à d’autres membres du cabinet qui ont été recrutés sur simple arrêté du maire. «Ils gagnent entre 3 à 5 000 euros par mois, les sommes dépensées pour ces rémunérations depuis mars 2014 s’élèvent jusqu’à 1 million d’euros au total» fustige Me Nicolas Choley.
- Le bras de fer n'est pas terminé -
La justice de son côté ne s’est pas penchée sur la question du «pacte illicite» évoquée par Me Nicolas Choley mais uniquement sur l’illégalité de l’arrêté pris au lieu de la délibération du conseil municipal qui aurait dû être votée par les élus. «Nous avons pourtant apporté des témoignages au dossier qui assure que M. Hénart a bien proposé divers postes à des ex-colistiers de M. Potier entre les deux tours en échange du soutien de la liste Nancy2014» accuse l’avocat.
Contacté, M. Potier a avancé son «devoir de réserve» et a refusé de commenter la décision de justice et les accusations de ses détracteurs. Dans un entretien à L’Est Républicain publié en janvier 2015, Frank-Olivier Potier disait "ce n’est pas vrai" à la question du journaliste "ce poste au cabinet, Laurent Hénart vous l’a-t-il promis après l’élection comme le déclarent vos anciens colistiers ?". "Ma nomination au sein du cabinet du maire découle d’un arrêté municipal. C’est donc un acte administratif. Il sera affiché et consultable par le public. Je crois qu’il y a un délai d’un mois et demi. Mais je vous l’assure : tout a été fait dans les règles" affirmait-il en janvier 2015 quelques temps après l'annonce publique de son arrivée au cabinet du maire (UDI) de Nancy.
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