A Thionville, jours difficiles après le décès brutal de la maire Anne Grommerch
La ville de Thionville (Moselle) est sous le choc depuis vendredi. Le décès brutal de la députée-maire Anne Grommerch a semé une onde de choc sur l’agglomération marquée ces dernières années par l’ascension d’une femme «de poigne» combative qui a débuté sa carrière dans le privé.
Les obsèques d’Anne Grommerch se dérouleront en public et en présence de la presse mercredi après-midi à 15H en l’église St-Maximin où sont attendus des centaines de personnes, proches, élus et habitants de la ville. Une cérémonie républicaine où plusieurs «officiels» seront invités à prendre la parole pour rendre hommage à la députée-maire sera ensuite organisée à 16H30 au Beffroi. Tous, de la droite, au centre, à gauche et même au FN ont rendu hommage vendredi et tout le week-end à une femme «combative» et «déterminée» qui s’était lancée en politique en 2008.
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A Thionville depuis vendredi, la ville est secouée par la disparition brutale de sa députée-maire. Si Mme Grommerch avait mis quelques proches dans la confidence de son état de santé dégradé, l’annonce de son décès vendredi matin a provoqué une onde de choc dans la classe politique locale et nationale et bien sûr dans sa ville. Habitants, commerçants, employés municipaux, chefs d’entreprises et même opposants : la ville est suspendue à l’avenir de sa gouvernance qui se retrouve orpheline d’une maire considérée comme «charismatique», «hyperactive» et «hors code».
- Une carrière inédite qui commence dans le privé -
Issue du privée, Anne Grommerch a dessiné un destin politique rarissime. Tombée précipitamment dans le chaudron de la politique en 2008 dans un contexte dramatique, celle qui était suppléante de Jean-Marie Demange a dû adopter les codes du monde politique en un temps record. «Elle était à Coca Cola Luxembourg au moment où M. Demange a tué son ex-compagne puis s’est donné la mort» assure un ancien collaborateur. Issue du privé, elle ne connaissait pas grand-chose à l’arène politique locale. «Jean-Marie Demange lui avait dit +ne t’inquiète pas, tu ne deviendras pas député, je vais vivre vieux». Rapidement, elle a dû assurer l’intérim dans la circonscription dans un contexte dramatique qui avait laissé la ville sans voix» se souvient cet ex-collaborateur, qui «est tombé de sa chaise» ce vendredi en apprenant le décès de Mme Grommerch.
Rapidement, Anne Grommerch s’est imposée dans le paysage politique. «C’est en 2012 aux législatives où elle a voulu confirmer son statut de députée, cette fois sans être la remplaçante qu’elle a bluffé» poursuit-il. Dans un contexte national où la gauche remporte la présidentielle, l’ancienne directrice des ventes de la célèbre marque de sodas permet à la droite de conserver la circonscription de Thionville (53,07%) face à la gauche pourtant promise à la victoire.
Son adversaire historique, Bertrand Mertz qui a perdu les législatives de 2012 face à Mme Grommerch puis les municipales de 2014 et les partielles de juin 2015 a attendu le flot d’hommages pour exprimer sa solidarité avec les thionvillois dans la peine. Elle avait en effet refusé de tendre la main à son adversaire de gauche, assurant «ne plus avoir rien à faire et à voir» avec Bertrand Mertz. Le socialiste avait également eu des mots très durs, provoquant une bataille sans précédent à Thionville où les deux camps se sont livrés une bataille sans pitié. «Je vous épargnerai les propos convenus du style +nous ne partagions pas les mêmes convictions mais…+ En fait, le meilleur hommage que l’on puisse rendre à une personne disparue, surtout à un âge où normalement on a encore la vie devant soi, c’est de rappeler son humanité (…)» a écrit Bertrand Mertz sur Facebook.
- "Certains adversaires l'ont attaqué sur sa maladie" -
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En parallèle de la bataille des législatives, elle doit affronter un cancer du sein qu’elle évoquera publiquement bien plus tôt dès 2009. Sans s’étaler, elle n’élude pas le sujet et en parle sereinement avec énergie. "J’ai répondu aux personnes qui prenaient des nouvelles, mais pas plus. Lorsque j’ai décidé de partir en politique, que mon oncologue m’a dit +vas-y+, je ne l’ai pas fait pour inspirer de la pitié. Et une fois dedans, j’y étais à 100 %. J’avais 37 ans quand j’ai su que je développais un cancer du sein. Ce fut très violent" avait-elle confié. Elle évoquait aussi la violence du combat politique flanquée d'une telle maladie. "J’ai tout entendu sur mon état, sur mes pseudo-motivations, etc. On a même invité à s’abstenir de voter pour moi puisque je n’en avais plus pour très longtemps ! Rien ne m’a abattue, au contraire, et finalement, mes derniers examens sont bons. Plus aucune tache !" avait-elle dit. Malheureusement, après plusieurs récidives, son cancer est revenu. "Je ne voulais pas perturber leur quotidien avec ma maladie. Rester à la maison à attendre, c’était mourir doucement. Il fallait que les choses se passent comme d’habitude" disait-elle, combative.
Luttant contre la maladie avec pugnacité jusqu’à la dernière minute, elle plaidait pour un dépistage gratuit des femmes volontaires pour déterminer au plus tôt un possible cancer. «Elle ne s’est jamais apitoyée sur son sort, elle n’a jamais utilisé sa condition comme argument politique. Elle faisait toujours son maximum. Elle a été victime d’attaques violentes. Certains pendant la campagne des municipales ont dit +ne votez pas pour elle, elle n’ira pas jusqu’au bout, elle a un cancer+» s’insurge un proche. Hyperactive, de nombreux employés rappellent qu’aucun détail ne lui échappait. «Ce n’était pas une femme politique mais une chef d’entreprise» sourit un technicien thionvillois qui se souvient d’une élue «exigeante» et «excellente manageuse». «Elle avait raison d’être exigeante. Son rôle était de faire tourner une boutique qui pouvait parfois être poussiéreuse. Il fallait donner un coup de jeune, elle l’a fait» dit-il. Régulièrement, le lampadaire défectueux la rue trop sale ou les pares-terre de fleurs se transformait en SMS avec photo à l’appui «merci de régler ce problème», écrivait-elle, confirment plusieurs collaborateurs.
- La suite à préparer à la ville, l'agglo et à l'Assemblée -
La bataille des municipales n’a pas été sans conséquences. Outre la violence et une opposition reléguée au second plan, une enquête judiciaire a été ouverte sur des fausses procurations présumées. Trois proches de Mme Grommerch avaient été mis en examen et la députée-maire entendue par les enquêteurs. Non inquiétée directement, elle avait toujours réfuté toute implication dans cette affaire qui a pollué le climat politique local. «L’affaire n’est toutefois pas terminée même si elle est mise entre parenthèse au vue du contexte» souffle une source judiciaire.
Après le temps de l’émotion qui va dominer cette semaine avec en point d’orgue les obsèques mercredi, les décisions vont devoir s’enchaîner. Le premier adjoint Pierre Cuny devrait prendre les manettes de la ville de Thionville, le premier vice-président de l’agglomération Thionville Portes de France et maire de Thionville pourrait assurer les fonctions d’Anne Grommerch. Le suspense reste entier quant à la députation. Le suppléant d’Anne Grommerch est Patrick Weiten. Président de la Moselle et vice-président de la région Grand-Est, la loi sur le cumul des mandats l’empêche d’avoir deux mandats locaux en plus de celui de parlementaire. Confronté à un dilemme, il n’a pas encore annoncé ses intentions.
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