A Thionville, le difficile adieu des habitants et des élus à Anne Grommerch
Emportée trop tôt par un cancer du sein, la députée-maire Anne Grommerch, 45 ans, s’était imposée en un temps éclair dans le paysage politique local. La députée-maire dont les obsèques se sont déroulées ce mercredi laisse derrière elle une ville orpheline où le climat politique était tendu ces derniers mois.
Le slogan de sa campagne des municipales était «Thionville au Cœur». Depuis vendredi, les thionvillois sont en deuil après la mort brutale de leur députée-maire à l’âge de 45 ans. Anne Grommerch luttait depuis plusieurs années contre un cancer du sein. Après une cérémonie religieuse qui a duré plus d’une heure et demi en l’église Saint-Maximin où anonymes et personnalités étaient réunis, un hommage républicain a été donné à celle qui a débuté brutalement là aussi sa carrière en politique, en 2008. Clivante notamment lors des campagnes, Anne Grommerch a toutefois réussi après son départ à réunir toutes les sensibilités politiques pour lui dire un dernier au-revoir. De la droite, famille politique à laquelle elle appartenait, en passant par le centre, la gauche et même le FN, l’heure était aux hommages.
Pour Xavier Bettel, premier ministre du Luxembourg, Mme Grommerch «laisse un grand trou qui sera difficile à combler». En larmes pendant les obsèques, le chef du gouvernement luxembourgeois n’a pas caché son émotion en évoquant les souvenirs partagés avec son «amie» Anne. «Je n’étais pas premier ministre, elle n’était pas maire, j’avais avant tout rencontré une femme». «Quand elle prenait son traitement, elle me disait qu’elle partait en vacances» se souvient, amusé, Xavier Bettel qui assure retenir d’elle son tempérament de «battante».
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Dans la dignité, le premier adjoint Pierre Cuny a dû organiser les obsèques de la députée-maire. Emu aux larmes lors d’un discours où il n’a pas souhaité évoquer les événements à venir, M. Cuny a estimé qu’il était difficile «en quelques minutes de résumer sept ans d’action politique» qui ont laissé une «tache indélébile dans les mémoires». Celui qui devrait reprendre les manettes de Thionville jusqu’en 2020, estime qu’elle s’est «révélée» en seulement deux ans notamment en gagnant les législatives de 2012 puis les municipales de 2014. Se souvenant de sa rencontre avec Anne Grommerch en 2009, il a rappelé la «surprise», la «méfiance» et parfois «l’hostilité» qu’avait provoqué l’arrivée de Mme Grommerch dans la classe politique locale. Cet ex-cadre du privé au Luxembourg d’abord dans l’automobile puis comme directrice des ventes chez Coca-Cola, rien ne prédestinait Anne Grommerch de devenir députée puis maire.
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A droite, le père d'Anne Grommerch et à gauche, Pierre Cuny, premier adjoint et futur maire de Thionville.
Xavier Bettel, premier ministre du Luxembourg et François Grosdidier, président de la fédération des maires de Moselle.
Son premier acte politique a été la campagne des régionales de 2010 derrière Laurent Hénart (qui conduisait la liste de la droite et du centre, aujourd’hui maire de Nancy, NDLR) qui a vu son camp sombrer face à une gauche victorieuse. Nulle découragée, deux ans plus tard, Anne Grommerch a voulu confirmer son statut de parlementaire. Suppléante d’abord dans l’urgence, elle veut prouver qu’elle peut être élue avec son nom dans la circonscription de Thionville. C’est à ce moment que son cancer revient alors qu’elle enchaînera pendant son traitement médical «dans un rythme endiable les réunions publiques toute la journée sans se plaindre» se souvient Pierre Cuny.
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Les municipales qui se passent bien en mars 2014 jusqu’à la contestation du camp adversaire à cause de 77 voix de différence puis une annulation par le Conseil d’Etat pour un tract litigieux. «Un combat violent, certainement celui de trop» tranche Pierre Cuny à propos des municipales partielles de juin 2015 remportées largement par Mme Grommerch et sa liste. «Une belle victoire mais tintée d’angoisses pour l’avenir» poursuit le futur maire de Thionville qui «sauvait malheureusement que cette campagne des municipales pourrait être le dernier combat».
Le président de la fédération des maires de Moselle, François Grosdidier, les trémolos dans la voix n’a pas pu s’empêcher aux enfants d’Anne Grommerch qui perdent une mère «trop tôt» à un âge dit-il où l’on «vit en pleine forme». «Elle ne cachait rien mais n’exhibait rien. Nous ne pouvions pas croire qu’elle avait une telle maladie tant son énergie était déployée pour sa ville et son agglomération» relève-t-il avant de se lancer dans un violente charge contre le cancer «qui emporte de plus en plus et de plus en plus tôt».
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L’un de ses plus proches, Patrick Weiten quant à lui n’a pas pu s’empêcher de verser des larmes, durant la cérémonie religieuse mais aussi pendant les hommages rendus par des anonymes et les élus. «Notre Anne» dit-il, affectueusement, «avait un respect de l’engagement alors que la maladie la rongeait déjà» assure le président du conseil départemental de Moselle. Saluant ses valeurs «combattues sans scrupules par certains» s’agace-t-il, il a voulu rappeler «sa trop brève mais brillante carrière politique». Le président de la Moselle et vice-président du Grand-Est est le suppléant à l’Assemblée Nationale d’Anne Grommerch. Après son décès, M. Weiten devra faire un choix: abandonner l’un de ses mandats locaux pour assurer sa suppléance ou privilégier ses mandats locaux provoquant l’organisation d’une élection législative partielle dans un contexte très particulier.
Enfin le préfet de la Moselle qui représente l’Etat a salué la «place imminente d’Anne Grommerch dans la vie politique» se rappelant que la députée-maire l’a marqué «dès la première rencontre». En fonction depuis janvier dernier, il se souvient d’une femme déterminée et combative qui «ne traitait pas de petits et de grands dossiers mais des dossiers importants». «Récemment, je me souviens d’une battante, qui voulait faire… Elle voulait installer des radars au centre-ville, ébranlée par la mort de piétons renversées par des voitures» se souvient Emmanuel Berthier.
A Thionville, il est désormais temps d’écrire une nouvelle page où Anne Grommerch conservera sans nul doute une empreinte importante.
A Thionville (Moselle), Nicolas ZAUGRA
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