12/03/2013 |
Si les japonais se posent la question de sortir complètement du nucléaire, le débat en France n’en est qu’à ses balbutiements. La centrale de Cattenom fait grand bruit. Peut-on vraiment sortir du nucléaire ?
François Drapier, président de l’association Sortons du Nucléaire-Moselle, nous répond.
Après un accident de nacelle survenu la semaine dernière, les activités ont repris à Cattenom, la centrale nucléaire mosellane. La question de l’arrêt de la centrale s’est intensifiée. Cattenom, en Lorraine, cela reste surtout des centaines d’emplois avant tout. Si les luxembourgeois et les allemands semblent être très actifs dans la lutte contre le nucléaire, les lorrains feraient plutôt profil bas. Fukushima et la catastrophe que le peuple japonais a connu fait peur. Mais est-ce suffisant pour stopper net le nucléaire ? Pour François Drapier, la réponse est évidente : Non. «Je suis encore un peu pessimiste, les gens ne sont pas prêts ici à sortir complètement du nucléaire. Les choses se sont tassées pour Fukushima. Une désinformation grandissante enveloppe cette catastrophe. La chose est désormais banalisée. Alors que la situation est critique là-bas».
Le président de l’association est un peu déçu. «Les gens ne se rendent pas compte. Sous prétexte que l’on n’en parle plus beaucoup, le nucléaire n’est plus une menace. Alors que cela est tout le contraire. Autour de la centrale japonaise, plus de 50 km à la ronde, les gens se promènent avec un dosimètre pour mesurer leur taux de radioactivité». Un constat alarmant qui n’est pas sans rappeler les images du film “Tous Cobayes” réalisé par Jean-Paul Jaud avec Philippe Torreton. «Nous les avons rencontré dernièrement. Ils nous ont fait part de ce qu’ils ont vu là-bas. Les gens au Japon ont un taux millisievert très important. Plus de 40 à 50 m SV. Bien sûr ils ont fait des tentatives de décontamination. Mais qu’est-ce que cela fait ? La méthode est de gratter le sol et les murs de la centrale d’une dizaine de centimètres d’épaisseur, puis d’enfouir les déchets obtenus. Cela déplace le problème dans le sol, d’une part. Et d’une autre, 10 cm ce n’est pas assez pour enlever toute la radioactivité».
«Un accident par mois à Cattenom»
La situation de Cattenom préoccupe. D’un côté, il y a les frontaliers qui refusent les activités de la centrale. «Ils ne veulent pas payer pour nous. C’est compréhensible. Les Allemands et les Luxembourgeois ne veulent pas du nucléaire, ils n’ont aucune envie d’en subir les conséquences. Il faut savoir que le taux millisievert par an est 1 pour un an par personne. Les gens travaillant dans la centrale de Cattenom sont confrontés à un taux d’environ 10 m SV. Ce n’est pas rien». L’homme alerte. Son souhait n’est pas de mettre au chômage une grande partie de la population environnante.
«Je suis mosellan, j’habite à Marange-Silvange. Je suis moi-même exposé à la menace du nucléaire tous les jours. Situé à 30 km environ de la centrale, s’il arrive quelque chose, je serai concerné que je veuille ou non». Cattenom est la 7e centrale la plus puissante au monde. Avec plus d’une trentaine d’années d’activités, la centrale coûte cher. Il faut savoir que le nucléaire représente 2,8% de l’énergie au monde, et soit près de 20% de l’énergie en France. Arrêter le nucléaire entrainerait forcément une baisse économique. Voilà surtout le point épineux du problème, comme l’explique Mr François Drapier. «A Cattenom, il y a toujours eu des soucis de réacteurs. Cela coûte cher pour réparer chaque ennui, mais cela reste bénéfique, ou plutôt profitable pour l’entreprise. Cattenom n’est pas sûre comme certains lobbyistes le prétendent. On dénombre un accident par mois à la centrale. Ils sont plus ou moins cachés, et plus ou moins graves. Mais il ne faut pas attendre que cela soit pire». Pour résumer, les pensées de l’activiste, l’homme a une phrase bien à lui : «on fait un pari, on sait qu’il y a des dangers, mais on le fait quand même, on parie sur l’éternité. L’éternité, ce n’est pas si long pour certains. Pour d’autres, ce sera plus conséquent. Il faut savoir où l’on se situe».