La région Grand-Est se dote d’un budget de 2,5 milliards, le premier de son histoire
La nouvelle région a adopté dans la nuit de lundi à mardi son premier budget à l’issue d’une journée de débats marathon émaillée d’incendient et de vifs échanges entre le FN et la majorité Les Républicains. La gauche a également critiqué la «méthode» Richert.
La majorité régionale a adopté dans la nuit de lundi à mardi vers 0H20 sans les voix du FN et de la gauche, le premier budget de l’histoire de la nouvelle région Grand-Est. Adopté tardivement après une fusion effective depuis janvier, le budget de l’année prochaine se prépare d’ailleurs déjà en coulisses. La séance avait débuté à 10H, pour la première fois à l’hôtel de l’ex-région Lorraine à Metz, pour s’achever après minuit.
M. Richert a dû jouer à l’équilibriste lundi en présentant le budget 2016 de la nouvelle région Grand-Est, ménageant les dépenses votées sous les précédentes mandatures des ex-régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine. Deux de ces anciennes composantes administratives étaient dirigées par la gauche. Seule l’Alsace était conduite par la droite sous la houlette de Philippe Richert. Pour son premier budget, le nouveau-né Grand-Est s’arme de 2,5 milliards d’euros. A titre de comparaison, les précédents budgets de l’Alsace, de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne représentaient respectivement 765 M d’€, un peu plus d’un milliard d’euros et 570 millions d’euros. «C’est un budget de transition» selon Philippe Richert qui assure qu’il a voulu ménager les décisions prises par les ex-majorités afin d’éviter de brusquer les acteurs de la nouvelle région déjà déboussolés par la fusion.
- Les transports, premier poste de dépense de la région -
Philippe Richert a assuré vouloir «définir des politiques nouvelles adaptées à cette nouvelle région qu’est le Grand-Est» a-t-il dit en introduction lors des débats qui se sont ouverts à Metz (Moselle) dans l’ex-maison de la région Lorraine. Les élus s’étaient accordés il y a plusieurs semaines pour que les séances plénières se tiennent à Metz et non plus à Strasbourg. Le président a mis en lumière les dépenses en matière de transport TER, principal budget de la région (600M d’euros). «En matière ferroviaire, nous avons en ligne de mire la négociation d’un compte TER unique à la fin de cette année représentant 430 millions d’euros». Le président du Grand-Est a de nouveau pointé le «manque de volonté» de la SNCF à entretenir et pérenniser 700 kilomètres de ligne ce qui pourrait coûter 300 millions d’euros à la région. Sa récente nomination au Conseil de surveillance de la SNCF devrait aider Philipe Richert dans son bras de fer engagé avec son président Guillaume Pépy.
Durant ces débats qui se sont étalés sur une journée – et non deux comme le souhaitent la gauche et le Front national – seront passés en revue les principaux postes de dépense de la collectivité aux compétences encore resserrées malgré la fusion du 1er janvier 2016. Si le transport représente près de 600 millions d’euros, le second porte sur la formation professionnelle (484 Md’€), la gestion des lycées (306 Md’€), les fonds européens et relations internationales (79 Md€), le développement économique (68 Md€), l’aménagement (68 Md’€), l’innovation (65 Md’€) et l’enseignement supérieur et la recherche (42 Md’€). Ensuite, le budget est morcelé entre plusieurs compétences non obligatoires : la Culture (52 Md’€), l’Environnement (37 Md’€), le Tourisme (28 Md’€) et l’Agriculture (20M d’€).
Doté d’un budget où les dotations de l’Etat sont en baisse chaque année, M. Richert a regretté cette «amplification» du désengagement central alors que les régions ont peu de marge de manœuvre fiscale (11% du budget est financé par une fiscalité aux taux libres). «Pour le Grand-Est, c’est 40 millions d’euros en moins et nous savons que le mouvement n’est pas terminé. En négociation avec le gouvernement de Manuel Valls Philippe Richert qui préside aussi la puissante Assemblée des Régions de France (ARF) veut obtenir au forceps de Bercy une plus grande liberté fiscale. «J’espère que nous arriverons à des propositions opérationnelles dans le cadre du projet de Loi Finances 2017» qui sera examiné par les députés à l’automne prochain.
- La gauche qui voulait deux jours de débats dénonce la "méthode Richert" -
Deux élus du groupe PS, au premier plan Bertrand Masson et Julien Vaillant. (PHOTO: LORACTU.fr)
Le Front national (46 élus) a dénoncé un «exécutif régional dépassé» qui s’est «engouffré dans les brèches des budgets adoptés par la gauche dénoncés par la Chambre régionale des Comptes» a lancé Thomas Laval en l’absence du chef de file Florian Philippot, retenu à Paris où il continue d’assurer le service après-vente médiatique du FN. Le député européen était en effet l’invité de la matinale de BFMTV-RMC ce matin pour y dénoncer la mise en scène des cérémonies des commémorations de Verdun ce dimanche. Une absence que n’a pas manqué de relever Philippe Richert assurant «qu’il ne court pas les plateaux télés et radios pour dénoncer l’ineptie de cette réforme territoriale». Selon le FN, ce budget du Grand-Est est une «compilation des ex-budgets» dénonçant les premières initiatives de M. Richert telles que l’achat de «coûteux» iPhone et iPad, l’agrandissement de l’hémicycle de Strasbourg ou encore la consultation populaire en ligne pour déterminer le nom de la nouvelle région.
Pour le parti d’extrême-droite, le budget est un «saupoudrage d’aides» aux entreprises alors que la région «aurait dû privilégier le patriotisme local» a dénoncé M. Laval attaquant également la «baisse du budget à l’aménagement des territoires». «Vous êtes en déconnexion dans votre tour d’ivoire !» a lancé le conseiller régional du Front national au président. «Vous êtes dans un objectif de centralisation» dénonce-t-il, accusant M. Richert d’être un «porte-parole de la propagande européiste».
Dans le Grand-Est, le FN veut "connaître" les fichés S présents dans les lycées
La gauche quant à elle souhaitait deux jours de débats comme dans d’autres régions. «Cette séance plénière est pourtant hautement importante et symbolique, le nouveau budget régional s’élevant à 2,5 Milliards€. Il eut été décent de débattre dans des conditions respectueuses des enjeux de notre nouvelle région, sur deux jours, comme cela avait été initialement prévu» a dénoncé la co-présidente du groupe de gauche (19 élus) Pernette-Richardot. La socialiste a d’ailleurs dénoncé une «maltraitance» des fonctionnaires régionaux «depuis le 1er janvier». «Votre responsabilité est de rassembler même en cas de vents contraires dans votre propre majorité» a-t-elle interpellé s’adressant à Philippe Richert qu’elle avait soutenu à l’entre deux-tours des régionales contre le candidat PS frondeur Jean-Pierre Masseret qui co-préside également le groupe de la gauche. «On sera exigeants mais aussi force de proposition» a promis Mme Richardot.
- Le FN multiplie les provocations pour exister -
Les rangs du Front national, 46 élus, au Conseil régional du Grand-Est. (PHOTO: LORACTU.fr).
«Vous pédalez dans la choucroute du matin au soir». Cette réplique lancée par une élue du FN lundi en début de journée au président (LR) Philippe Richert et ex-président de l’Alsace n’est pas passée. «Mais vous n’avez pas conscience que vous insultez les gens, là ?» lui a répliqué le président de la nouvelle région Grand-Est en l’interrompant. Pour dénoncer la «supériorité alsacienne», l’élue frontiste n’a pas hésité à jouer des mots en détournant le célèbre plat alsacien. «Non» a sèchement répondu la conseillère frontiste quand le président lui demande si elle se rend compte de l’insulte. Des sifflets et des huées recouvrent alors la voix de M. Richert. Gauche et droite s’insurgent là d’une nouvelle provocation du FN.
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«De toute façon ces séances plénières c’est pour le spectacle, tout est décidé en commissions à Strasbourg» assure, en off, un collaborateur du groupe frontiste. «Il faut exister, c’est certain» assume un autre, toujours dans les couloirs de la Région. Pas question en public d’assumer cette stratégie de la reprise médiatique impulsée par le monsieur communication du parti Florian Philippot. Absent des débats ce matin, le vice-président souvent présenté comme conseiller très influent auprès de Marine Le Pen était l’invité de BFMTV et RMC dans la matinale. Actualité nationale, tensions internes au parti, 2017 et commémorations de Verdun. Le chef de file du groupe FN n’est arrivé qu’après la pause déjeuner après avoir assisté à une réunion à Paris avec les présidents de collectifs du parti en présence de Mme Le Pen. «Et il est où ? Et il est où ?» interrogeaient en chœur droite et gauche sur les bancs de l’assemblée régionale de Metz ce matin. «Il arrive, ne vous inquiétez pas» répondent les 46 élus frontistes. «Il passe sa vie sur les plateaux de télévision et laisse faire ses petites mains ici. C’est la génération Philippot, les mêmes éléments de langage, les mêmes techniques de parole et les mêmes costumes. C’est leur mentor mais il n’est jamais là» décrypte un conseiller LR.
- Oppositions entre les ex-régions -
Après être arrivé, M. Philippot a d’ailleurs demandé une suspension de séance n’appréciant pas le qualificatif «d’extrême droite» pour son parti. Régulièrement depuis janvier, la gauche notamment ne se prive pas de rappeler au Front national ses racines «d’extrême droite», faisant bondir de leurs bancs les conseillers frontistes. «Votre slogan c’est la France apaisée mais tant que vous comporterez comme vous le faites vous mériterez le nom d'extrême droite» assure la porte-flingue de Nicolas Sarkozy et vice-présidente de la région Grand-Est. «C’est scandaleux ! C’est scandaleux» s’emporte devant les journalistes M. Richert qui «n’en peut plus des caricatures, des approximations» des élus frontistes. Pour Jean-Rothner, maire de Mulhouse et chef de file de la majorité LR-UDI-Modem, «vous avez moins de talents que vos leaders charismatiques» lance-t-il aux conseillers régionaux FN.
La façade de l'hôtel de région de Metz (Moselle) où l'identité de l'ex-région Lorraine est encore présente. (PHOTO: LORACTU.fr)
Le Front national a également répété que M. Richert «n’est pas entré dans le costume du président du Grand-Est mais reste dans celui de l’Alsace». Les élus de gauche, de droite ou du FN se disputent d’ailleurs régulièrement sur l’équilibre des territoires défendant chacun leurs ex-régions. Un débat encore exacerbé ce lundi avec le vote du budget. «Je me battrai pour ne pas opposer les ex-régions l’une à l’autre» assure M. Richert. Sur les aides aux entreprises ou aux grandes écoles, les élus se sont opposés. «Il y a un grand déséquilibre des aides sur l’enseignement supérieur en faveur de l’Alsace» estime un élu FN. «Faux» lui répond Philippe Richert qui liste les aides sur ce sujet : «L’Alsace c’est 10 millions, la Champagne-Ardenne 10 et la Lorraine 16».
Enfin, un autre échange ultra-tendu s’est joué entre le FN et Pernelle Richardot (PS). Qualifiant le FN d’extrême droite, l’alsacienne n’a pas apprécié l’expression «pédaler dans la choucroute» utilisée par une élue frontiste «Je voudrais dire à l'extrême droite que se terre au fond de la salle un ex-candidat aux législatives qui a défilé avec les autonomistes alsaciens». Andréa Didelot l'élu FN qui était visé a qualifié «d'âneries» les propos de Mme Richardot, et a mis en cause un élu PS, élu député de Strasbourg ce dimanche. «C’est scandaleux, c’est de la diffamation» a répondu l’élue socialiste strasbourgeoise. Ambiance.
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