INTERVIEW EXCLUSIVE. Emmanuel Macron: Le Pen est "bien la digne héritière de son père"
Le candidat d'En Marche! affirme dans une interview exclusive accordée à LORACTU qu'il n'entend pas remettre en cause le régime concordataire d'Alsace-Moselle. A quatre jours du premier tour, Emmanuel Macron donné au coude-à-coude avec Marine Le Pen estime que la candidate du FN est "bien la digne héritière de son père".
Nous sommes à quatre jours du 1er tour de la présidentielle. Depuis l'officialisation de votre candidature, vous étonnez par votre profil, vous agacez, vous intriguez, vous concentrez les critiques. En quelques mois, vous avez réussi à vous hisser dans le duo de tête, selon les sondages d'intentions de vote. Quel président serez-vous ? Quelles seront vos premières mesures ?
Je ne sais pas qui agace ou qui concentre les critiques dans cette campagne, mais je peux vous dire une chose : cela fait trente ans que les mêmes partis politiques se succèdent à la tête de notre pays, et personne ne considère que les résultats sont au rendez-vous. Il y a un vrai désir de renouvellement, et je suis fier de l’incarner. Quant à savoir qui sera dans le duo de tête, ce sera aux électeurs d’en décider.
Si les Français me font confiance pour les conduire, je serai un président actif et entreprenant, pour conduire la transformation que nos concitoyens attendent. Mais c’est le Gouvernement qui gouvernera, pas le Président. Chaque ministre aura une feuille de route, présentée avant les législatives, avec des objectifs précis.
Dès l’installation du gouvernement, je présenterai un projet de loi de moralisation de la vie politique. Et je souhaite qu'en parallèle l'emploi par les parlementaires de membres de leur famille soit interdit. Plusieurs textes seront présentés dès l’été sur la simplification administrative et la suppression des normes inutiles. Les consultations seront immédiatement lancées pour le projet de loi d'habilitation destiné à simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation, afin de donner plus de place aux accords d'entreprise ou de branche.
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Les sondages promettent un duel inédit avec la candidate du Front national, Marine Le Pen. Ses positions sur l'économie, l'Europe, la société, la pratique du pouvoir vous opposent largement. Dans notre région, le Grand-Est, le FN réalise des scores très haut notamment dans la ruralité, dans les ex-vallées industrielles mais aussi de plus en plus dans les métropoles. Comment comptez-vous contenir (ou faire baisser) cette progression de l'extrême droite ?
Les positions de la candidate de l'extrême droite sur l'économie, l'Europe, la société, la pratique du pouvoir, comme sa récente déclaration sur la rafle du Vel d'Hiv, qui montre qu’elle est bien la digne héritière de son père, nous opposent en effet.
Je sais que le Front national progresse dans une partie de la France qui se sent délaissée sur le bas-côté, qui ne croit plus à la politique, et se réfugie dans une méfiance à l'égard de tout ce qui lui est étranger. Il ne s'agit pas seulement de contenir la poussée du Front national. Vous me parlez de politique politicienne, mais je veux vous parler des Français. Les Français en ont assez de voter par défaut, de voter "contre" un candidat, qui serait le candidat de la peur. Il faut dépasser ce vote négatif pour susciter l'adhésion des Français sur un projet positif, qui répond à leurs aspirations.
Les Français ont un besoin de mobilité sociale, un besoin de transparence et de renouvellement de la vie politique. Ils veulent qu'on leur permette de vivre de leur travail, et nos jeunes ont besoin qu'on leur donne leur chance sur le marché du travail. Alors bien sûr, il faut combattre le Front national, parce que nul n'ignore le danger qu'il représente, mais c'est aussi et surtout à ces aspirations que je veux répondre.
- "Susciter l'adhésion des Français sur un projet positif" face au "vote négatif" -
À chaque élection présidentielle, le concordat d'Alsace-Moselle est discuté dans la campagne. Cette particularité est très appréciée par les habitants des trois départements. Quelle est votre position sur le sujet ? Doit-on le réformer ?
Je suis favorable au maintien du régime concordataire en Alsace-Moselle. En la matière, je suis, vous le savez, très attaché à la loi de 1905 qui est un socle très important de notre vie commune. Mais il faut être pragmatique : je ne vois pas de raison de remettre en cause un régime qui, avec le temps, a été accepté par la très grande majorité des habitants d’Alsace-Moselle. La France a suffisamment à faire : ne créons pas des sujets d’affrontement quand ils n’existent pas.
La fusion des régions portée par le gouvernement de Manuel Valls a ouvert des plaies dans le Grand-Est, notamment en Alsace qui a fusionné à "marche forcée" avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Marine Le Pen souhaite rendre l'Alsace aux Alsaciens et supprimer les régions. François Fillon se dit ouvert à des expérimentations, Benoit Hamon ne veut pas y toucher... Quelle est votre position sur la question ?
Je maintiendrai la carte des régions issue de la récente réforme et des élections de décembre 2015. Pour apporter de la stabilité aux territoires concernés et pour permettre aux nouvelles régions de jouer pleinement leur rôle de chef de file au service des citoyens, notamment en matière économique, qu’il s’agisse d’innovation, de formation ou d’anticipation des restructurations.
Au sein de ce cadre, les collectivités pourront proposer de mettre en place ou d'expérimenter de nouvelles solutions - fusions, rapprochement de services... - que l'État pourra accompagner. Je suis favorable à la prise en compte de la diversité des territoires et à une différenciation des solutions locales en fonction des besoins et des identités.
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La Lorraine mais aussi la Champagne-Ardenne sont des berceaux de l'industrie lourde qui a décliné ces dernières décennies. Les dossiers de Gandrange ou Florange ont laissé des traces dans l'électorat ouvrier qui est désormais tenté par Mme Le Pen ou M. Mélenchon. Quelles perspectives d'avenir souhaitez-vous offrir à ces catégories touchées de plein fouet par la crise alors que vous avez basé votre campagne sur le "travail" ?
Face à la désindustrialisation qui frappe notre pays, il faut agir en trois temps : se donner les moyens de protéger nos entreprises au niveau européen, donner les moyens aux entreprises d'investir et d'être conquérantes, protéger les travailleurs et les aider dans les transitions professionnelles.
Aujourd’hui, l’industrie européenne est mal armée contre les dérives de la mondialisation. L’Union européenne joue imparfaitement son rôle de régulation de la concurrence internationale. À l’inverse des deux grandes puissances concurrentes que sont la Chine et les États-Unis, elle ne dispose pas d’outils efficaces et dissuasifs pour contrôler les investissements étrangers et sanctionner le dumping social, fiscal et environnemental pratiqué par certains États. Nous défendrons donc le renforcement des procédures européennes anti-dumping afin de pouvoir agir plus rapidement et de manière plus dissuasive. Nous défendrons aussi un "Buy European Act" permettant de réserver l’accès aux marchés publics européens aux entreprises qui localisent au moins la moitié de leur production en Europe.
Parce que la protection de notre industrie passe aussi par sa montée en gamme, je faciliterai l’investissement productif par une fiscalité adaptée et je renforcerai les droits individuels à la formation des salariés, afin qu’ils puissent s’adapter de manière progressive aux évolutions technologiques et à la robotisation. Par ailleurs je veux mieux protéger les personnes qui perdent leur emploi, en leur permettant de se former plus vite et dans de meilleures conditions. Ainsi, 15 milliards d’euros durant le quinquennat seront dédiés à la formation des jeunes et des chômeurs non qualifiés. Les formations seront adaptées au parcours de chacun, et leur qualité sera contrôlée afin de ne retenir que celles qui offrent des débouchés professionnels dans la région d’origine.
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