Législatives à Nancy: Juppé au secours des candidats LR-UDI plongés dans l’incertitude
Le maire de Bordeaux et candidat malheureux à la primaire de la droite a fait campagne vendredi à Nancy (Meurthe-et-Moselle) pour soutenir les candidats LR-UDI aux législatives, plongés dans la plus grande des incertitudes depuis la présidentielle. En pleine recomposition politique, la droite et le centre marchent sur des œufs.
Il mouille la chemise. Le candidat malheureux de la primaire de la droite et du centre qui avait promis de prendre du recul sur le champ politique s’est tout de même résigné à faire une campagne – à minima – pour soutenir les candidats Les Républicains et UDI alors que la droite est promise à la défaite aux législatives de mi-juin. Selon les sondages, La République en Marche est largement en tête des intentions de vote (entre 28 et 32%) devant LR-UDI (18 à 22%). Selon une enquête Ipsos-Steria pour Le Monde en date du 2 juin, 64% des électeurs LR-UDI sont sûrs de voter pour un candidat de cette formation politique mais 36% hésitent encore et pourraient surtout se tourner vers En Marche! Une campagne qui plonge les candidats aux législatives dans la plus grande des incertitudes.
Vendredi soir à Nancy, M. Juppé venu spécialement de Bordeaux en avion a offert sa notoriété à Mostafa Fourar (1ère circonscription de Meurthe-et-Moselle), non encarté et issu de la société civile qui porte les couleurs de l’UDI et de LR. Lors d’une réunion publique organisée dans une petite salle de la banlieue de Nancy, M. Juppé a également apporté son soutien à la sarkozyste Valérie Debord (2ème circonscription de Meurthe-et-Moselle). Le premier doit affronter une candidate En Marche mais aussi un candidat de droite dissident, le maire (LR suspendu) de Saint-Max Eric Pensalfini tandis que la seconde doit surtout faire face au maire bien implanté de Laxou qui a décroché l’investiture de La République en Marche. «Le soutien d’Alain Juppé est important, c’est une manière de réaffirmer le soutien des Républicains à ma candidature» répète Mostafa Fourar qui avait déjà décroché le soutien de François Baroin il y a quelques jours.
Les électeurs de la droite plongés dans le brouillard
Face à une campagne difficile où une partie de LR et une part non-négligeable de l’UDI est prête à rejoindre les rangs de la majorité d’Emmanuel Macron ou de le soutenir clairement, Laurent Hénart assure que la campagne engagée «n’est pas revancharde». «On a pris acte de l’envie de renouvèlement, on a pris acte de cette présidentielle et de ces résultats, on a pris acte de l’impérative réussite de ce quinquennat face aux scores des extrêmes…» affirme le maire de Nancy qui a soutenu François Fillon jusqu’au bout. «C’est une année inédite» concède le sénateur (LR) Jean-François Husson, fidèle juppéiste. L’élu constate également sur le terrain que l’électorat est «prêt à donner un chance à Emmanuel Macron». Un problème majeur pour les candidats LR-UDI de toutes les circonscriptions de la région qui affrontent partout des candidats En Marche ou «majorité présidentielle».
Celui qui était il y a quelques jours dans le Finistère, mais aussi à Paris ou dans son fief de Gironde pour soutenir plusieurs proches assure qu’il «reste fidèle à Les Républicains». «Nos électeurs se cherchent un peu» reconnaît aussi M. Juppé. Reconnaissant aussi le «besoin de renouvellement» qui l’a en partie fait chuter à la primaire, Alain Juppé affirme qu’il n’y a pas que les candidats En Marche! qui y répondent assurant que le «parti du président» a «parachuté beaucoup de candidats sans expérience». Co-fondateur de l’ex-UMP, le maire de Bordeaux refuse que l’Assemblée soit «constituée d’un parti unique qui n’a pas de traditions, qui n’a pas de doctrine à part le renouvellement». Pour lui le parti de Macron «est un site de recyclage des naufragés du hollandisme» tacle-t-il.
Alain Juppé défend une «opposition à la ligne claire» qui «ne fera pas des blocages stériles et sectaires». Lors de la conférence de presse qu’il a tenu à Nancy, M. Juppé a semblé acter la défaite de LR-UDI aux législatives en répétant que les députés issus de cette formation seront «dans l’opposition». Au lendemain du second tour de la présidentielle, François Baroin avait assuré qu’il imposerait une cohabitation à M. Macron en remportant la majorité absolue. Un discours qui a changé à droite où on est désormais prêt à «partager les responsabilités» et à constituer une «opposition constructive». Face à la réalité du terrain et à la dynamique des sondages favorables à LRM, de nombreux ténors de la droite intériorisent déjà la défaite.
En Marche! est "est un site de recyclage des naufragés du hollandisme"
Alain Juppé dans un café de Nancy, en marge d’une conférence de presse, vendredi 2 juin 2017. (PHOTO : NICOLAS. Z/ LORACTU)
«Nous avons des points communs, des convergences» avec le gouvernement et Emmanuel Macron plaide Alain Juppé. «Mais nous avons aussi des divergences» poursuit-il citant le programme fiscal et pointant la «hausse de la CSG qui pénalisera les classes moyennes et les retraités» ou encore la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des foyers fiscaux. Alors que sur le terrain «l’affaire Ferrand» est en train «de faire des dégâts et de rejaillir sur tout le monde» selon Mostafa Fourar, M. Juppé constate que lorsqu’on «veut donner des leçons de moral à tout le monde, il faut être sûr de son coup…» ironiste-t-il évoquant «l’arroseur arrosé». Saluant des «propositions qui vont dans le bon sens» à propos du projet de loi sur la moralisation de la vie politique de François Bayrou, l’ancien locataire de Matignon ne goût pas à cette doctrine qui «fou à poil» les élus. «Rajoutons des règles… mais faisons les d’abord respecter» plaide Alain Juppé.
Jugeant que «la presse est en adoration» devant Emmanuel Macron pour ses premiers pas, Juppé considère que le «calendrier a servi» le chef de l’Etat. «Objectivement, les premiers pas sur la scène internationale sont à la hauteur (…) la voix de la France est entendue». Alors qu’un journaliste local lui demandait s’il n’est pas plus proche d’Emmanuel Macron que d’un Laurent Wauquiez (LR), M. Juppé esquive laissant entrevoir la guerre de tranchés qui se prépare à droite après les législatives. «Je vous laisse juger par rapport à nos déclarations respectives» lâche, laconique, le maire de Bordeaux. «J’ai ma ligne, je n’en change pas, vous la connaissez» lâche-t-il. «Quand j’ai appelé à voter Macron au second tour de la présidentielle, j’ai dit que cela ne valait pas adhésion à son projet. Ensuite, il y a eu la constitution du gouvernement. J’ai des amis qui y sont… je ne veux ni les stigmatiser, ni les exclure» assure l’ancien Premier ministre en évoquant la nomination de l’un de ses proches, Edouard Philippe, à Matignon.
Partagés entre opposition et soutien à Emmanuel Macron
Alain Juppé jure se battre pour qu’il y ait «un groupe de députés portés par LR et l’UDI qui ne soit pas totalement allié au parti En Marche». Alors que le scénario d’une scission de la droite et du centre en deux groupes à l’Assemblée nationale, M. Juppé assure que le but premier est «d’obtenir un maximum de députés, s’il y en a pas beaucoup… il n’y aura pas de quoi faire plusieurs groupes» sourit le maire de Bordeaux. «Les points de divergences ne sont pas des détails» renchérît Laurent Hénart s’inquiétant par exemple qu’Emmanuel Macron n’a pas l’intention de faire voter une nouvelle loi anti-terroriste mais seulement de «prolonger encore l’état d’urgence». «C’est de l’impréparation» dénonce le maire de la cité ducal, évoquant un sujet «pour le moins vital».
Sur le terrain, des militants LR-UDI sont pour la première fois dans le brouillard. «En 2012, on pouvait imaginer une vague rose, en 2007 une vague bleue… là c’est impossible de se prononcer. Même s’il y a des sondages nationaux, il y a de nombreuses composantes locales» assure un jeune LR de Meurthe-et-Moselle. Un élu local veut croire que les candidats de la droite et du centre vont profiter de leurs mandats locaux. «Nous avons beaucoup d’élus locaux qui connaissent le terrain, Macron envoie au casse pipe beaucoup de débutants». «Ils vont se casser la gueule au bout de quelques mois s’ils basent tout sur le renouveau» tranche sévèrement un parlementaire LR du département. Selon un sondage Ipsos-Steria publié vendredi, 63% des électeurs se disent prêt à voter pour un candidat «dont les propositions et compétences semblent bonne pour la circonscription» contre 37% qui feront un choix plus national afin de «soutenir ou de s’opposer» à Emmanuel Macron et à son gouvernement. De quoi encore nourrir des espoirs dans les rangs de LR et de l’UDI où l’incertitude n’a jamais été aussi forte à une semaine du vote.
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